L�image est saisissante. Enterrer son enfant p�ri en mer dans une harga a de quoi susciter l��motion. Mettre sa chair et son sang en terre � cet �ge du r�ve et des projets laisse un sentiment profond d�injustice. On ne meurt pas � cet �ge, pas avec cette force intacte et active. Le coup du sort est trop dur et on se prend � se demander ce qu�on a fait � Dieu pour m�riter un tel ch�timent mais le malheur reste de l�ordre personnel, de l�ordre du mauvais coup du sort. Alors enterrer neuf de ses enfants, ramen�s dans leur mort collective, a de quoi mettre les �mes en �moi et les esprits � l��meute. Il ne s�agit plus du tout de sort personnel, la preuve en est faite par neuf corps sans vie. Non, ce n��tait pas le destin personnel et unique de chacun d�entre eux de fuir le pays comme on s��vade d�une prison de l��me, du r�ve, du projet, de l�accomplissement minimum de soi. Comme on s��vade d�une prison qui ne laisse � nos jeunes que cette alternative dont vous connaissez si bien les termes pour les avoir si souvent entendus : �Vous verrez qui est votre fr�re. Ou je r�ussis ou je reviens dans une caisse.� Neuf jeunes d�un m�me coin, presque du m�me douar, sont devenus par leur mort l�embl�me involontaire du plan sans cesse remu� de l��vasion et les voltigeurs �claireurs volontaires per�ant des trou�es dans les barbel�s du cauchemar r�el et concret si mal rendu par la notion abstraite de syst�me dont on gratifie ce pouvoir. Fallait-il que les m�res, les p�res, les fr�res et les camarades pleurent leurs aim�s morts dans les convenances �dict�es par la bureaucratie et respectueuses de l�ordre public ? Selon le pouvoir, oui ! La preuve en est que les jeunes se retrouvent devant les juges pour avoir pleur� leurs aim�s sur la place publique, cri� leur douleur sur les routes et les chemins de cette campagne si mortelle d�ennui que la mort lui est devenue pr�f�rable aux yeux des jeunes. Ainsi, le pouvoir aura dress� face aux jeunes le droit qui les nie en tant qu��tres, le droit qui leur interdit la v�rit� de leurs �motions. Le pouvoir dira qu�ils n�avaient pas le droit de couper les routes et d�occuper les places publiques. Oui, justement ce droit, le v�tre, leur interdit de le faire. On ne cesse de vous dire que ce droit est la n�gation de la v�rit� concr�te de l�homme et que vous ne laissez aux hommes que la seule issue de la r�volte de leur v�rit� contre votre droit