Par Ahmed Halli [email protected] L'affaire implique tellement de nationalit�s qu'on peut se demander si les services syriens n'y ont pas jou� un r�le entre deux ex�cutions de complots au Liban. L'affaire, c'est le crime de la saison commis � Duba� et dont la victime est une chanteuse libanaise, Suzanne Temim. Cette derni�re avait �t� d�couverte le 28 juillet dernier, dans son appartement, lard�e de coups de couteau et d�figur�e. L'enqu�te de police a abouti fin ao�t � l'arrestation d'un magnat de l'immobilier �gyptien, et membre tr�s en vue du parti au pouvoir, Hichem Tala�t. L'influent homme d'affaires �gyptien, dont le sexappeal tient dans un ch�quier, voulait ajouter Suzanne Temim � sa collection. Devant le refus de sa m�re de le voir mari� � une artiste, il avait organis� une omra pour la maman r�calcitrante et pour �future�. Hichem pensait que l'intransigeance maternelle allait fondre sous le soleil et les ardeurs spirituelles de La Mecque. H�las, le spectacle de Suzanne en habit de p�lerinage n'a pas r�ussi � convaincre. Hichem Tala�t a d� se r�signer � �pouser Suzanne sous le r�gime de la Fatiha et moyennant un cadeau nuptial de 5 millions de dollars. A ce d�tail pr�s : la volcanique chanteuse �tait d�j� en rupture de ban avec trois ou quatre fianc�s ou maris abandonn�s. C'est le sort que Suzanne Temim a d'ailleurs r�serv� � Tala�t puisqu'elle l'a quitt� il y a une dizaine de mois pour aller se r�fugier � Duba�. A ce moment-l�, nous ne sommes pas encore dans un crime aux ramifications internationales mais les ingr�dients sont l�. R�sumons les �l�ments d�j� connus : Suzanne �tait encore mari�e civilement au producteur libanais Adel Matouk qui a aussi la nationalit� fran�aise. Apr�s avoir quitt� Hichem Tala�t, elle a �pous�, ou pris comme concubin, Ryadh El-Ghazaoui, un champion de boxe et ancien garde du corps de Saddam Hussein. El-Ghazaoui qui a fui la dictature irakienne avant son effondrement est de nationalit� britannique. Sans oublier l'autre Egyptien, en l'occurrence l'assassin pr�sum�, l'ancien policier Mohsen Soukari. Il aurait re�u 2 millions de dollars pour venger l'honneur bafou� de Hichem Tala�t. Et c'est l� que l'affaire commence � �chapper � tout entendement. D'abord, l'ancien policier se rend � Duba� sous sa propre identit�. Soucieux, ensuite, de ne pas trop fatiguer ses ex-confr�res des Emirats, il prend soin de bien s'exposer aux cam�ras de surveillance de l'immeuble. Une fois son forfait accompli, il abandonne dans un coin de l'immeuble le v�tement tach� de sang qu'il a utilis�. Et pour convaincre, enfin, le plus sceptique des tribunaux, l'ex-policier a plusieurs conversations t�l�phoniques avec Hichem Tala�t. Toutes ces conversations tournent sans �quivoque autour du projet criminel. Pour compliquer davantage les choses du c�t� des enqu�teurs �gyptiens, il y a d'abord le black-out impos� � la presse par les magistrats d�s l'annonce de l'assassinat de Suzanne Temim. Il y a aussi les d�clarations des maris respectifs de Suzanne et des avocats de Hichem qui montrent du doigt, sans le nommer, un concurrent du magnat de l'immobilier jaloux de sa r�ussite. Ensuite, le p�re et le fr�re de Suzanne Temim qui contestent l'accusation officielle ne peuvent venir t�moigner. Ils sont tous deux sous le coup de mandats d'arrestation pour trafic de drogue. Le fr�re est �galement impliqu� dans le myst�rieux suicide d'une jeune femme avec qui il aurait eu une liaison. Et c'est pr�cis�ment gr�ce � l'intervention de leur parent, par Fatiha, Hichem Tala�t, que le p�re et le fils ont pu quitter l'Egypte sans �tre inqui�t�s. Questions : l'assassin et le commanditaire �taient-ils assur�s de l'impunit� pour semer autant de preuves sur leur mortel parcours ? Hichem Tala�t a-t-il �t� pi�g� par des adversaires et rivaux qui lui ont fait commettre l'erreur de trop : celle de choisir un ex-policier qui semble tout ignorer des proc�dures criminelles ? Sans r�pondre pr�cis�ment � ces interrogations, le quotidien cairote Al-Fedjraffirme croire, sinon � l'innocence de Tala�t du moins � son �largissement prochain. Le quotidien pr�f�re s'int�resser aux suites extra-judiciaires de l'affaire et � la vie en prison de Hichem Tala�t. Il propose en exclusivit� l'interview de la derni�re conqu�te du milliardaire, l'ex d'un grand homme d'affaires puis d'une vedette de la t�l�vision. Elle affirme que l'homme craint Dieu (khayef Rabina), expression qu'utilisent tous ceux qui fomentent un mauvais coup. Il est tr�s pratiquant comme le montre la tache de prosternation, ou zabiba, qu'il arbore au sommet du front (qu'on peut du reste obtenir sans prier). Dans ses bureaux, un employ� �tait sp�cialement affect� � la t�che de d�ployer pour lui le tapis de pri�re � chaque adhan. C'est aussi un grand philanthrope qui s'occupe de nombreuses �uvres sociales, nous dit la plus r�cente �pouse de Hichem Tala�t. Notre confr�re ne manque pas de s'interroger comment un homme si occup� � la pratique religieuse et � la bienfaisance trouve le temps de draguer autant de belles cr�atures. (Voir le ch�quier sex-appeal universellement connu et pratiqu� � divers �chelons du handicap physique et mental). En attendant que sa culpabilit�, ou son innocence, soient prouv�es, Hichem Tala�t se comporte comme un prisonnier mod�le, au sens fortun� du terme. Comme c'est le Ramadan, il passe la journ�e � dormir et la nuit � r�gler ses affaires avec son fond� de pouvoir � la caf�t�ria de la prison. Le quotidien Al-Badils'int�resse � cette nouvelle forme de lutte des classes qui s'�tend jusqu'aux prisons qui ont d�sormais leu �tablissement �cinq �toiles� comme celle de Mazra� Tora. Si Hichem Tala�t s�journe encore longtemps dans cette prison, nous verrons des spots � la t�l�vision avec le message �Ma cellule� sur le mode du projet immobilier �Ma ville� que r�alise Hichem � l'ext�rieur, rel�ve le journal. Ses proches rapportent qu'il a r�cemment visit� les installations de Mazra� Tora en compagnie des responsables p�nitentiaires. En professionnel de l'immobilier, il a soumis � ces responsables un projet de modernisation et d'embellissement de la prison, � ses frais bien s�r. Ainsi, les auteurs de d�tournements de fonds et les hommes politiques corrompus pourront jouir d'un plus grand confort, lors de leur passage. Naturellement, note encore Al- Badil, ces initiatives ne se limiteront pas � la seule prison de Mazra� mais s'�tendront � tous les autres �tablissements, � condition que l'Etat paie. Sinon, les prisons risqueraient de devenir des succursales du consortium d'entreprises appartenant � la famille de feu Tala�t Mustapha. Monsieur Hichem se transformerait de pensionnaire en directeur de la prison et pourrait en sortir au nez et � la barbe de la justice. M�me si ces projets n'aboutissent pas, il n'en demeure pas moins que la prison de Mazra� Tora est un mod�le de la soci�t� de classes qu'a instaur�e Moubarak. Avec ses salles de bains individuelles, ses visites � toute heure, ses repas provenant d'h�tels �sept �toiles�, cette prison est � comparer avec le d�nuement et la mis�re qui r�gnent ailleurs, conclut le journal. La fetwa du Ramadan : les acteurs et actrices des feuilletons �gyptiens sont autoris�s � s'embrasser puisque c'est du cin�ma. Cet imam doit se tromper d'�poque : il y a bien longtemps que les baisers sont prohib�s, qu'ils soient chastes ou torrides. A moins qu'il s'agisse de ces baisers m�re-fils ou p�re-fille. Dans ces cas, l'�ge des ascendants devrait jouer, la libido et ses d�bordements n'ob�issant pas n�cessairement � la censure morale.