Antisémitisme en France, Jérusalem capitale d'Israël et boycott des produits israéliens, Emmanuel Macron a réaffirmé ses positions lors du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France. Un exercice d'équilibriste entre les enjeux des juifs français et ceux de l'Etat d'Israël, tous deux défendus par le CRIF. Tribunal dînatoire où les membres du gouvernement français comparaissent devant un procureur communautaire ou simple tribune offerte aux pouvoirs publics et plus particulièrement au président de la République ? Alain Finkielkraut avait mis les pieds dans le plat en 2005 : le dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) suscite toujours la polémique. Quoi qu'il en soit, l'événement est devenu incontournable pour les chefs d'Etat depuis Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron n'a pas dérogé à la règle. Sur le plan national, le sujet prioritaire abordé durant ce dîner est l'antisémitisme, «le contraire de la République» et «le déshonneur de la France». Emmanuel Macron a rappelé qu'il maintiendrait, durant toute la durée de son quinquennat, l'aide allouée à la sécurité des personnes et les sites de la communauté juive : «l'Etat assurera sans faiblir son devoir de protection des personnes, lieux de culte, écoles et crèches». Outre la lutte contre l'antisémitisme, qui vise régulièrement certaines banlieues particulièrement touchées, le Président a annoncé la mise en place d'une nouvelle structure pour lutter contre la «cyberhaine». Cette mission sera confiée par le gouvernement à un membre de la société civile, l'écrivain franco-algérien Karim Amellal, et au vice-président du CRIF, Gil Taïeb. Cette annonce d'Emmanuel Macron intervient à la suite de celle de Francis Kalifat, président du CRIF, qui a confirmé que son instance allait mettre en place un «observatoire de la haine sur le net». Cependant, cette structure agira seulement pour dénoncer et lutter contre l'antisémitisme et pas contre toutes les «pho(b)ismes», du moins dans un premier temps, a précisé Francis Kalifat : «lorsque notre outil aura fait ses preuves, nous pourrons l'élargir au racisme, à la xénophobie, à l'homophobie, à la haine des musulmans et, aussi, à la haine de la France». Une position qui peut interloquer les Français puisque la République ne reconnaît en théorie aucune communauté, donc aucune hiérarchie dans la haine envers ces communautés. L'attention portée à l'antisémitisme s'explique peut-être parce que «les juifs de France sont plus que jamais les Français à l'avant-garde de la République», comme le soulignait l'ex-ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lors du rassemblement, organisé par le CRIF, deux années après les tueries de Toulouse et de Montauban. Bien que l'actualité, comme la requalification en acte à caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi, la réédition très controversée des écrits de Céline, ou encore la pas si nette agression à caractère antisémite d'un écolier portant une kippa par deux jeunes de Sarcelles, justifient ce type d'intervention sur le plan national, Emmanuel Macron s'est aussi exprimé sur les volets internationaux. Sommé de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël par le président d'une association qui défend parfois plus les intérêts du gouvernement israélien que celui des juifs de France, selon l'Union des Juifs de France pour la Paix, Emmanuel Macron a réaffirmé la position de la France sur cette question, qui a enflammé les territoires palestiniens en décembre 2017 : «À un moment donné du processus, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël et de la Palestine adviendra, mais cela doit venir au bon moment du processus, dans un jeu équilibré, qui avancera». Cette demande du CRIF au Président Macron n'est pas la première. En effet, rappelons que dès l'annonce de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël le 6 décembre 2017, le CRIF avait réclamé qu'Emmanuel Macron en fasse de même. Et finalement, devant près d'un millier de personnes, devant des ministres, des députés, des ambassadeurs, des «personnalités» culturelles, etc., dont probablement la majorité partageait la demande du CRIF, Emmanuel Macron a donc réaffirmé que la France prônait une solution à deux Etats, soulignant comment il voyait son rôle : «le Président de la République française ne ferait pas son devoir, y compris à votre endroit, s'il se contentait simplement de vous faire plaisir pour une soirée». Enfin, lors du dîner organisé sous la Pyramide du Louvre, où par ailleurs les époux Beate & Serge Klarsfeld ont reçu le prix du CRIF 2018, le chef de l'Etat a condamné à nouveau les appels à boycotter des produits israéliens : «ces actions sont prohibées par notre droit, je les considère comme indignes, je les condamne avec la plus grande fermeté, et elles seront toujours scrupuleusement poursuivies et sanctionnées». Le CRIF tente de faire changer d'avis le président Macron au bénéfice de la reconnaissance d'Al Qods occupée comme capitale d'Israël.