Vendredi 29 mars, les Algériens sont sortis par millions dans les rues de toutes les wilayas du pays pour exiger le départ du système politique. Et pendant ce temps, que faisait le plus vieux parti de l'opposition ? Vendredi matin, les trois fédérations les plus importantes du FFS (Alger, Tizi-Ouzou et Béjaïa) ont tenu des réunions extraordinaires, consommant définitivement la division du parti qui «milite» pour le consensus national depuis des années. Fonctionnant désormais avec deux têtes, un premier secrétaire (Hakim Belahcel) désigné par la direction menée par Ali Laskri, et un autre (Mehenni Haddadou) qui représente les frondeurs, le FFS donne l'impression d'avoir perdu la boussole. Par communiqués interposés, les deux ailes du FFS s'accusent. Les fédérations de Tizi-Ouzou et Béjaïa soupçonnent la direction menée par Laskri d'obéir «à une feuille de route arrêtée en dehors du parti» et les autres répondent en évoquant «des coups de force et des rencontres fractionnelles» en citant «des officines ténébreuses du pouvoir». Dans sa déclaration finale, le conseil fédéral de Béjaïa a fait siennes les résolutions du conseil national extraordinaire, réuni le 22 mars 2019 au siège de la fédération d'Alger, sur convocation du premier secrétaire par intérim, Haddaou Mehenni, en date du 14 mars 2019. Il s'agit de la dissolution de la commission nationale de médiation et de règlement des conflits pour éviter son instrumentalisation et asseoir une relation apaisée entre les militants, de l'installation d'une commission d'information sur la gestion des finances du parti et du maintien de la session du conseil national ouverte pour pallier la conjoncture que traverse notre pays et à d'éventuelles accélérations des événements. «Le conseil fédéral s'interroge quant aux intentions et calculs ayant motivé le report de la session extraordinaire du conseil national jusqu'au 13 avril, en mettant le parti en marge de la scène politique nationale. N'est-il pas un silence prémédité qui répond à une feuille de route arrêtée en dehors du parti ?», souligne-t-on dans la déclaration. Toujours pendant la matinée de vendredi, au moment où les millions d'Algériens se préparaient aux manifestations de l'après-midi, le conseil fédéral d'Alger a organisé une session extraordinaire présidée par l'autre Premier secrétaire, Hakim Belahcel, pour solder des comptes avec les opposants. Il a accusé «des officines ténébreuses du pouvoir» d'avoir réagi vite à la décision du parti de boycotter la présidentielle, «afin de nous neutraliser et de nous dévier des missions politiques dans un moment aussi sensible pour le devenir de notre pays». «Cet acharnement s'est largement exaspéré au lendemain de notre décision de retirer nos parlementaires des deux chambres», a-t-il ajouté. Hakim Belahcel a dénoncé la réunion des deux conseils fédéraux tenus à Tizi Ouzou et à Bejaia, «illégalement convoqués», selon lui. Dans son intervention à la réunion de la fédération d'Alger, Hakim Belahcel a qualifié la réunion de l'autre aile dans les locaux du parti à la capitale de «réunion clandestine, fractionnelle et illégale». Il a menacé que le FFS ne laissera jamais «ce genre de comportements irresponsables passer sans mesures disciplinaires». Les suspensions du sénateur Abdenour Derguini, du député Rachid Chabati et du président d'APW de Béjaïa, Mehenni Haddadou, sont annoncées juste après. Le P/APW de Tizi-Ouzou, Youcef Aouchiche, a dénoncé ces mesures, soutenant qu'elles sont nulles et non avenues. Au moment où les cadres du parti s'entre-déchirent, Hakim Belahcel n'a trouvé aucun inconvénient à considérer que son parti «est le seul espoir qui reste au peuple algérien, surtout dans ces moments de flottement et d'incertitude politique». Avec ses luttes intestines, le FFS risque de passer à côté de l'histoire que les Algériens sont en train d'écrire dans les rues du pays.