Par ces temps où les évènements focalisent nos concitoyens sur la loi fondamentale de l'Etat, de son organisation et ses prérogatives, tout le monde craint pour la stabilité du pays. Et qu'ils soient lampistes, «khoubzistes», ou tout simplement sur la liste des défiants assidus, ces citoyens n'en sont pas moins idiots. Ils redoutent aussi l'ampleur d'une contestation sociale qui pourrait titiller le fameux «estiqrar el biled». Que de fois seriné, répété inlassablement par le régime, surtout quand ça sent le roussi, cet ancien «radar» vaudra pour demain, le vendredi plein d'incertitudes. Une seule certitude, par contre : la rue s'est affranchie de toute représentativité, tant parlementaire que partisane. Elle n'en fait qu'à sa tête, refusant tout parrainage ou procuration. Dire cela revient certes, à enfoncer des portes ouvertes, mais il est évident que le pays est en échec. Echec de représentativité politique, échec de projet de société, échec de modèle économique susceptible de booster le pays vers un développement durable. Ça n'est pas la Bérézina totale, mais le contexte s'y prête en n'y pas prenant garde. Et que l'on ne s'y méprenne pas, l'exigence des revendications intellectuelles, politiques ou syndicales, dont la vocation première est de traduire le plus fidèlement possible les problèmes et les aspirations des citoyens, cette exigence-là serait mieux lotie si elle se dotait d'une structure responsable et identifiable. D'ailleurs, le fait d'autoriser la création de dix nouveaux partis politiques est un premier pas. En fait, la période cruciale que certaines parties et certains partis voudraient voir insoluble sans eux, se veut décisive, mais loin de la manipulation, loin de l'invective et loin de tout ce qui nuit à l'unité du pays. La complexité de la vie, les contingences et les divergences souvent liées à des intérêts étroits et sordides, ont souvent favorisées des clivages improbables. Mais qu'à cela ne tienne, le changement doit passer à l'étape suivante, et c'est là toute la question de la transition qui permet d'avancer, et non pas de reculer. Elle se définit par une phase particulière. Celle de l'évolution de la société, celle où elle rencontrera des difficultés à redéfinir le système économique et social adapté à l'air du temps. Ça commencera, qu'on le veuille ou non, par se réorganiser, plus ou moins vite, sur la base d'un autre système compatible à de nouvelles conditions d'existence. Tout ce processus demande réflexion, négociation et responsabilité chez de nouveaux acteurs politiques. Or, il est encore difficile de se faire une idée, sur qui est capable de relayer les attentes d'une population n'ayant que la rue pour s'exprimer. Pour certains, le danger réside toujours dans cette mouvance islamiste, encore capable de tirer profit de la «fawda». Ce courant sait s'organiser plus vite que d'autres, et ce sont les mouvements de rue qui ont été son domaine de prédilection. La rue qui refuse, certes, tout parrainage ou procuration pour l'heure, mais il y a lieu de s'inquiéter du sournois qui dort sans être vraiment endormi. Aussi, étant à la croisée des chemins, le pays n'a d'autre choix que celui de la vigilance, de la concertation et du débat d'idées, pour favoriser l'émergence d'une véritable action socio-politique. A défaut, on continuera de faire du surplace ou du réchauffé, avec les jérémiades et les lamentations d'un passé récent…