Il y a presque unanimité sur le fait que le Conseil constitutionnel a mis le pays dans une situation inédite. L'impossibilité de tenir un scrutin, à la date prévue pour le 4 juillet prochain, était pourtant prévisible. Fallait juste trouver une sortie, entre articles et alinéas, susceptible de sauver les meubles. C'est fait, mais ça ne sauve rien, en fait. Concrètement, le Président intérimaire est assuré d'une rallonge de séjour au palais d'El Mouradia, et c'est lui qui devra «convoquer de nouveau le corps électoral et parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du Président de la République et la prestation du serment constitutionnel» selon la loi fondamentale. Tour de passe-passe ou passage en force visant un statuquo refroidissant le Hirak ? Mystère et boule de gomme. En tous les cas de figure, l'imbroglio juridique se heurte à une mise à jour politique, juridique et même psychologique du pays. Personne ne voulait de ce scrutin pour lequel le peuple, qui marche depuis plus de trois mois, n'était pas préparé. Aujourd'hui, ce peuple qui réclamait et, réclame apparemment toujours la tête des deux «B», avalera-t-il la pilule constitutionnelle ? Pas sûr, du moment où le maintien de facto du duo va à contre courant de la protesta du Hirak. De plus, à la veille de l'Aïd, huit partis opposants ont qualifié de «fatwa anticonstitutionnelle», la dernière trouvaille législative. Le fantôme du «vide constitutionnel», brandi à tout bout de champ, ne fait plus peur. Et, le dialogue semble être envisageable afin de le combler. Pour peu qu'il n'y ait pas cacophonie, libre cours à la recherche d'un Etat de droit consacrant, enfin, les libertés citoyennes, l'indépendance de la Justice et le respect des droits humains. Pour ça, faudrait des interlocuteurs crédibles et, une transition apaisée sous l'œil d'un chef d'Etat-major de l'armée, tantôt autoritaire, tantôt débonnaire, bien que goguenard. Reste la peur des lendemains farceurs… Le scénario des plus pessimistes craint de voir se réinstaller l'ancien système, comme si de rien n'était, comme si le Hirak n'était qu'un mauvais rêve. L'Armée qui dispose de plusieurs casquettes, sans parler des baïonnettes, peut imposer ce scénario catastrophe. Mais, ça ne va pas être possible maintenant que le monde entier sait le ton bon enfant qui a jalonné, de son panache pacifique, les marches et les esprits de ces derniers mois. Toutefois, il y a un autre scénario, plus optimiste. Il verrait les très décriés, Présidant intérimaire et chef de gouvernement, remettre «volontairement» leur démission. Ça serait l'hypothèse la plus plausible, ces jours-ci. Mais, comme à l'accoutumée, il y a un hic : quel personnel pour gérer cette transition ? Tout ce beau monde est à chercher dans le panier de la société civile et ses représentants avérés. Ça serait un gage de bonne volonté et, de cette façon, les deux scénarios s'en sortiraient avec une «kherdja» crédible. Commencera alors ce long fleuve tranquille qui prendra son temps pour valider en toute conscience les projections politiques choisies pour une élection aussi importante que la présidentielle. Mais, le contexte politico-social est gagné actuellement par la fébrilité, la précipitation et, l'impression de vouloir en finir au plus tôt avec cette crise. Même la Banque Mondiale y va de sa pression prévisionnelle. Pour 2020 et 2021, on serait dans la mouise économique, parait-il…