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Almeria, le miroir aux alouettes
Reportage
Publié dans Le Temps d'Algérie le 01 - 03 - 2009

Cabo de Gata. -- La nuit commençait à tomber, mercredi 24 février, sur Cabo de Gata, une crique rocailleuse près d'Almeria, le point le plus proche de la côte oranaise dont il n´est distant que de 135 km. Certains «pieds-noirs» nostalgiques, nombreux dans cette partie sud
de l´Espagne, ou des émigrés en mal du pays, disent pouvoir apercevoir depuis l´un des rochers de ce cap, la nuit en juillet et par temps clair, quelques lumières à l´autre bout, vraisemblablement celles d´Oran,ou peut-être de Ghazaouet ou encore tout simplement les phares des nombreux thoniers qui mouillent au large de la côte ouest algérienne.
Scènes qui n´attirent même plus les regards des curieux, une vedette de la Guardia civil (la gendarmerie espagnole) fait son entrée dans le petit port du village, où se trouvaient déjà sur place depuis une heure ou deux une équipe de jeunes volontaires de la Croix-Rouge espagnole et deux véhicules de la police nationale.
A bord, des gendarmes et un groupe de 34 jeunes émigrés clandestins. Tous portent des gilets de sauvetage. Les nouveaux arrivants sont conduits vers le port de la capitale de la région, Almeria. A la tombée de la nuit. Il s´agit bien de «nouveaux arrivants», car quelques heures plus tôt une autre «patera», nom par lequel les Espagnols désignent les embarcations de fortune servant à la traversée des candidats à l´immigration, avait été repérée milieu d´après-midi, à 5 miles, soit 9 km (1 mile équivaut à 1,8 km environ) au large de Cabo de Gata. Sept personnes, tous de jeunes célibataires dont deux femmes. Tous ont été conduits à Almeria.
De hittiste à harrag puis «sans-papiers»
Deux jours auparavant, lundi, les gardes-côtes espagnols avaient intercepté deux pateras à 16 miles au large de la plage de Cabo de Gata avec 34 occupants. Prudents, comme toujours, les services de secours, bien que persuadés qu´il s´agit d´Algériens, se contentent de parler, pour le moment, de «Maghrébins», en se fondant sur le faciès des arrivants, à ce stade de l´enquête. Bien entendu, aucun de ces candidats à l´Eldorado espagnol ne portait sur lui de documents de voyage prouvant son identité au cas où... Histoire de brouiller les pistes et de compliquer l´enquête de police en vue de leur expulsion vers le pays d´origine.
Ce seraient vraisemblablement des Algériens, en effet, car Cabo de Gata est la destination privilégiée des jeunes Oranais qui veulent tenter leur «chance» en Espagne, comme ces 45 000 immigrés algériens, légalement établis dans ce pays et dont le nombre a été multiplié par 4 ou 5 depuis les régularisations en 2000.
Deux autres «routes algériennes» vers l´Espagne existent depuis 2006, outre celle qui mène de la côte ouest algérienne à Almeria. «Sur le même tracé sous-marin que le gazoduc Medgaz reliant directement l´Algérie à l´Espagne à 2000 m de profondeur», ironisent les «maffias» de l´émigration qui perçoivent entre 1500 et 2000 euros par tête, sans garantie d'arrivée à bon port. C´est là toute la tragédie de l´histoire de l´immigration clandestine des temps modernes. La seconde «route» va de la région de Mostaganem vers la zone de Minorque qu´ un petit chalutier algérien a pu inaugurer et sitôt abandonné par ses occupants.
Depuis, semble-t-il, un autre petit navire a pu gagner l´île, mais ses passagers ont été retrouvés, en ville, par la police après une chasse à l´homme de plusieurs heures puis renvoyés au pays. La troisième, enfin, unit Dellys à Palma, soit 240 km de traversée. Là, souvent, le comique le dispute au tragique. Une douzaine d´Algériens en costumes et cravates sont signalés par les habitants de l´île que la police n´aura pas beaucoup de peine à retrouver, un peu partout dans la ville, tous ayant un point commun : le bas des pantalons mouillés et du sable dans les semelles des souliers. Ils seront, eux aussi, vite embarqués sur la navette Oran - Alicante, après avoir été identifiés par les services consulaires d´Alicante. Le patron de la barque, lui, ira en prison. La loi espagnole, amendée en 2007, punit sévèrement les «maffias» de l´immigration catégorie à laquelle figurent les propriétaires des navettes et «pateras»
Les repas à la cantine de la Croix-Rouge
Pourquoi donc ce phénomène migratoire continue-t-il de prendre de l´ampleur chez les jeunes Algériens, alors que l´Espagne est, depuis 2008, le pays européen dont le marché d´emploi s´est rétréci en peau de chagrin ?, s´interroge-t-on en Espagne. On peut supposer qu´ils ne sont pas bien informés de la véritable dimension de la crise économique dans ce pays ou du coup de frein donné par le gouvernement Zapatero, en janvier dernier, au recrutement de la main-d´œuvre étrangère. Une entreprise qui recrute un «sans-papiers» sera pénalisée et son patron poursuivi. Les patrons recruteurs seront traités comme des «maffias».
D´ailleurs, dans la région de Burgos, en 2007, des entrepreneurs espagnols avaient été poursuivis pour leurs «liens» avec des réseaux de recrutement et d´envoi de la main-d´œuvre clandestine à partir de l´Algérie. En France c´est la prison ferme, une mesure qui ne tardera pas à être adoptée par Madrid. C´est le grand mystère pour la police espagnole qui continue de «rapatrier» par milliers les «sans-papiers» qui arrivent ou qui sont déjà là. «Rien n´y fait. On expulse dix et il en revient davantage», se lamentent les services de surveillance côtière espagnols. On peut comprendre, disent-ils, que les ressortissants des pays du Sahel empruntent le chemin de l´exil, mais les jeunes Algériens, on ne comprend pas.
C´est un pays qui recèle des richesses incroyables, et puis le terrorisme n´est plus ce qu´il était dans les années 1990. Donc ? «Le mal-vivre», répond tout bonnement cet ex-hittiste d´El Amria (Aïn Temouchent) devenu harrag, toujours «sans-papiers» à Alicante, dix ans après son arrivée au «pays des merveilles». Voici son histoire comme il la résume : à 20 ans, marié à une Espagnole divorcée, grand-mère dont le fils cadet est plus âgé que lui, il a pu se faire régulariser une fois l´acte de mariage en poche. Une erreur de jeunesse, puis c´est la prison, l´expulsion et bien sûr le divorce ne tardera pas.
El Amria
Par où est-il retourné ? Par Cabo de Gata. Aujourd´hui, il pointe à la cantine de la Croix-Rouge tous les jours que Dieu fait depuis 2006.
«Impossible de rentrer à El Amria (Aïn Temouchent), les mains vides. J´ai trop payé pour ce voyage», dit-il : 2000 euros au patron de la barque, une vraie crapule, une traversée de la mort, deux séjours de 45 jours au centre administratif de Moratalas (Madrid) où il s´est fait
enregistrer comme Irakien pour ne pas être renvoyé à Oran où se trouve le centre d´accueil des expulsés, brouillant toutes les pistes et les auditions des consulats maghrébins au point d´épuiser la juge qui l´a relâché dans la nature. «Dieu a voulu que je ne finisse pas noyé comme beaucoup d´autres jeunes de ma ville que je connaissais, donc j´y suis, j´y reste.
D´ailleurs tout le village d´El Amria est là, hommes, femmes et enfants.» Donc il ne reste plus personne à El Amria ? «Si, il reste encore le maire», répond à sa place une jeune femme, originaire du même village. L´histoire d´El Amria remonterait aux années 1990 lorsqu´un président d´APC zélé avait interdit toute activité liée au trabendisme jusqu´aux «tables» sur la voie publique,
Voilà, à l´origine, ce qui a poussé beaucoup de jeunes à fuir le pays, alors que le terrorisme faisait rage dans toutes les régions dont certaines communes, comme Remka (Oued Rhiou) ont été carrément désertées. Pourtant, le chômage, aujourd´hui, en Algérie est nettement plus en recul que chez les voisins. La tendance à la hausse de ce phénomène est encore plus grave, cette année et l´année qui viendra, en Espagne.
Record historique du chômage en Espagne
L´Espagne, par excellence la frontière sud de l´espace Schengen, est le pays de l´Union européenne le plus frappé par la crise économique. Un million de chômeur pour la seule année 2008. Un secteur moteur de l'économie, avec celui du tourisme, le secteur de la construction a cessé toutes activités, mettant au chômage tout le monde, y compris les patrons d´entreprises qui ont dû fermer leurs portes. Avec 2,2 millions de chômeurs en 2007, soit moins de 8% de la population active à la veille de la crise, l´Espagne est passée fin 2008 à 3,3 millions de chômeurs. Avec une tendance à la hausse du taux de chômage (14% en 2009), elle atteindra certainement les 4 millions à la fin de l´année en cours. Encore que les plus optimistes des experts ne croient pas à une reprise économique avant 2011. On a cru, un moment, avec la crise économique en cours que le phénomène migratoire s´est ralenti.
Entre novembre 2008 et février, la première quinzaine de février dernier, ni les services de surveillance maritime espagnols ni la presse n´ont fait état d´arrivées de «sans-papiers» à Almeria. Le mauvais temps, accompagné de tempêtes en Méditerranée, a donné quelque répit aux sauveteurs algériens et aux gendarmes espagnols. Or, voilà que le beau temps est de retour, en ce moment, et avec lui la reprise des activités des «maffias» de l´immigration qui ne chômeront plus, théoriquement, jusqu´à l´automne prochain si la météo continue d´être clémente comme elle l´a été en février. Un peu comme ces hirondelles au printemps, les toujours plus jeunes Algériens arrivent à Cabo de Gata où par n´importe quelle autre route pour tromper la vigilance des gardes-côtes algériens et espagnols. Certaines embarcations sont munies d´outils jusqu´au GPS, d´autres sont mises à l'eau sans le moindre instrument de navigation, ni jumelles, ni gilet de sauvetage, ni portable, ni même assez de vivres en cas de dérive. Une tragédie minutieusement préparée par les maffias.
Vigilance de la Marine nationale
Ils savent pourtant que sur des centaines de kilomètres, tous les jours de l´année, les gardes-côtes algériens et espagnols surveillent, de jour comme de nuit, toute la partie ouest de la Méditerranée. Le système de surveillance maritime mis en place par les Espagnols, le SIVE, a fait ses preuves, dans le sud du pays comme le long de la côte ouest africaine. Mais les Espagnols reconnaissent qu´ils ne pourront rien tout seuls pour décourager les flux migratoires. Ils savent que l´Algérie est le pays de la rive sud de la Méditerranée qui mène le même combat, ne rechignant pas sur les moyens à mobiliser pour éviter les tragédies en haute mer. La Marine nationale est en alerte depuis 2006.
Ses sorties sont fructueuses et souvent salvatrices en vies humaines. Ce corps de l´ANP surveille la côte algérienne longue de 1200 km. Son service de communication a donné, au début de l´année, un bilan de l´intervention de ses gardes-côtes qui a laissé admiratives les autorités espagnoles et italiennes. Des «pateras» et autres zodiacs et petits chalutiers ont été interceptés par dizaines tout au long de l´année 2008. «La collaboration des Algériens au plan de la lutte contre l´immigration clandestine est remarquablement efficace», reconnaissent certaines «sources» policières espagnoles, en allusion ici au «laxisme» observé parfois par les autorités marocaines, selon la conjoncture politique, histoire de faire du chantage au partenaire espagnol sur certains dossiers chauds.
Des centaines de jeunes, parmi lesquels des jeunes filles et des enfants – voire des bébés – sauvés en haute mer d´une mort certaine. «Nous avons vu la mort de très près», disent les rescapés, de retour au pays où un séjour en prison – franchir illégalement la frontière est devenu un délit selon la nouvelle loi dans le pays – leur paraît depuis une sinécure comparativement au cauchemar vécu en haute mer. Une ONG algérienne à Palma parle de six cents cadavres d´Algériens non identifiés dans la morgue d´Alicante et des villes du sud de l´Espagne.
Tous noyés durant la traversée avant d´être rejetés par la houle ou pris dans les filets de pêche des chalutiers espagnols. Pour aussi tragique que soit cette réalité, elle n´est que partielle, c´est celle que l´on a racontée parce qu´il y avait des témoins. Un rescapé raconte qu´au moment où la barque a commencé à chavirer, à prendre l'eau de partout, du fait du mauvais temps qui s´est rapidement déclaré, mais aussi de la surcharge de l´embarcation, il y eut une mutinerie. Onze personnes, au lieu des six annoncées par le patron avant le départ. C´est la panique à bord.
«Certains passagers se sont entendus pour le jeter (le patron) à la mer mais eux aussi ont été emportés par les vagues», avant que n´a apparaissent les secours espagnols alertés par un navire de passage. Les secouristes algériens ont sauvé beaucoup de vies et repêché beaucoup de cadavres lorsqu´ils sont avisés par les familles des disparus ou ceux qui ont eu la chance d´être secourus en haute mer, comme ce fut là encore le cas, en janvier dernier, quand une unité de ce corps de l´ANP, avertie par les services de secours espagnols, a sauvé in extremis un groupe de candidats à l´émigration clandestine, dont la barque dérivait depuis trois jours, en zone internationale au large de Palma.
Pourtant, de l´autre côté de la Méditerranée, pas mal de jeunes crient que ces images sont celles que l´on raconte. Plus près d´eux, en été, ils voient d´anciens amis ou voisins revenir pour des vacances dans le pays, ramenant avec eux le rêve qu´eux-mêmes n´ont pu réaliser. Pas encore. De l´une de ces nombreuses criques de Beni Saf ou Ghazaouet, eux aussi croient apercevoir les lumières d´Almeria. Peut-être aussi sont-elles celles des thoniers ou des gardes-côtes de la Marine nationale en patrouille de nuit. «Almeria. Almeria.» On raconte qu'Almeria signifie «lemraya» (le miroir), nom que les Arabes ont donné à cette ville andalouse. Un vrai «miroir aux alouettes».
Correspondance particulière


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