Les pays arabes, qui préparent hier à Doha leur sommet annuel, sont solidaires du président soudanais Omar El Béchir sous le coup d'un mandat d'arrêt international, mais sa présence à la rencontre reste incertaine, ont déclaré des responsables gouvernementaux et des diplomates. La pression exercée sur le Soudan est inacceptable», a déclaré le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled Ben Ahmad Al Khalifa, ajoutant que les pays arabes «soutiennent le Soudan frère, confronté à une épreuve liée à une affaire de guerre civile, qui n'est ni la première ni la dernière» au monde. Il commentait le mandat de la Cour pénale internationale (CPI) émis contre M. El Béchir le 4 mars pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003. Les spéculations vont bon train sur la présence ou pas de M. El Béchir au sommet prévu lundi et mardi dans la capitale qatarie, où les ministres arabes des Affaires étrangères tenaient hier une réunion préparatoire après s'être rencontrés vendredi soir pour des consultations informelles. «Le Soudan sera représenté au sommet au plus haut niveau. Et le président El Béchir y participera incha Allah», a déclaré le représentant du Soudan auprès de la Ligue arabe, Abdelmonaïm Mabrouk, présent à Doha. Mais plusieurs autres diplomates arabes sont sceptiques. «Le président soudanais ne fera pas le déplacement à Doha car il aurait embarrassé le Qatar, pays hôte du sommet et pris un risque personnel», a déclaré l'un d'eux. Pourtant, M. El Béchir a bravé le mandat d'arrêt à trois reprises en quelques jours : il s'est rendu lundi en Erythrée, mercredi en Egypte et jeudi en Libye, où il a rencontré les dirigeants des trois pays, frontaliers du Soudan. «Il aura ainsi prouvé qu'il est libre de ses mouvements malgré le mandat d'arrêt mais aussi qu'il peut décider de ne pas aller au Qatar», un voyage à risque car empruntant l'espace aérien international, a expliqué un membre d'une délégation. Le procureur de la CPI, l'Argentin Luis Moreno-Ocampo, avait affirmé le 4 mars qu'«il n'y a pas d'immunité pour Omar El Béchir (...). Dès qu'il voyagera dans l'espace aérien international, il pourra être arrêté.» Le comité des oulémas soudanais a récemment émis une fatwa déconseillant au président El Béchir de se rendre à Doha, évoquant un possible piège. L'arrestation du président El Béchir incombe aux Etats, car la CPI ne possède pas de force de police propre. Mais la plupart des pays arabes, dont le Qatar, la Libye, l'Egypte et l'Erythrée, n'ont pas ratifié le traité de Rome, le texte fondateur de la CPI. Le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, a renouvelé cette semaine à Khartoum son invitation au président soudanais. Mais il reconnaît avoir «reçu des pressions de certains pays» pour ne pas l'accueillir. Les 22 membres de la Ligue arabe comme les 53 Etats de l'Union africaine (UA) se sont prononcés contre le mandat d'arrêt et ont entamé des procédures auprès du Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il suspende la procédure. Un projet de résolution du sommet de Doha «déplore que le Conseil de sécurité n'ait pas pu user de l'article 16 de la Charte de la CPI pour suspendre (le mandat d'arrêt) pendant un an» et il «souligne l'immunité des chefs d'Etat», a indiqué à la presse un adjoint au ministre qatari des Affaires étrangères, Seif Abou Al Aïnan. La guerre civile au Darfour a fait 300 000 morts depuis 2003 selon l'ONU – 10 000 selon Khartoum – et 2,7 millions de déplacés.