C'est un énorme pas que vient de franchir l'ONU dont la 69e session ordinaire de l'Assemblée générale à New York a adopté, par consensus, une résolution qui reconnaît l'autonomie du CIO et du sport. Le document stipule que l'Assemblée générale «appuie l'indépendance et l'autonomie du sport ainsi que la mission du Comité International Olympique, qui est de conduire le Mouvement olympique». Cela fait des années que cette notion d'autonomie du sport est mise au devant de l'actualité. Dernièrement, un séminaire international relatif à la bonne gouvernance dans les instances sportives organisé à Alger, sous l'égide du CIO et de l'ACNOA, avait insisté sur cette autonomie dont devait jouir le sport tout en relevant que ce dernier devait obéir à des règles de contrôle de la part des Etats puisque ce sont eux qui le financent et construisent les infrastructures dont il a besoin pour ses activités. Le problème est que dans nombre d'Etats, le fait que le sport soit financé sur des fonds publics amène des responsables politiques à exercer sur lui un rôle de tutelle, voire de patron envers son employé. Cette situation aboutit assez souvent sur une sorte d'abus de pouvoir de ces politiques qui ne se gênent pas pour s'ingérer dans les affaires d'une instance sportive jusqu'à sanctionner les responsables de celle-ci. Le boycott des Jeux de Moscou Il ne faut pas croire que ce scénario est propre aux pays du tiers-monde. Dans des pays européens, il a également été fait état d'immixtion des pouvoirs publics dans les affaires des instances sportives. C'est ainsi que la Fédération polonaise de football a été suspendue par la Fifa, amenant les autorités politiques de ce pays à revoir leur copie concernant des passages dans la loi sur le sport qu'ils venaient d'adopter. Idem pour la Grèce où le parlement a été obligé de se réunir à nouveau pour corriger certains passages de la loi sur le sport après que la Fifa a décidé de suspendre sa Fédération de football. On ne connaît d'ailleurs pas de pays où le mouvement olympique se démarque de ses autorités politiques lors de certaines prises de position par celui-ci. En 1980, à l'occasion des Jeux olympiques de Moscou, plus de 50 pays avaient décidé de boycotter cet évènement pour condamner l'invasion de l'Afghanistan par l'armée soviétique. Au premier rang de ces pays figuraient les Etats-Unis, dont la plupart des 50 pays en question faisaient partie de leur sphère d'influence comme l'Allemagne de l'Ouest, le Canada, le Japon, le Corée du sud, l'Arabie saoudite, la Tunisie ou le Maroc. Des pays européens comme la Grande Bretagne et la France ont accepté d'aller à Moscou mais ont défilé sous les couleurs olympiques. En cette circonstance aucun des Comités nationaux olympiques ne s'est élevé contre la décision de boycott de leurs gouvernements respectifs pas même celui de la nation, championne de l'ultralibéralisme, comme les USA. Cette reconnaissance de l'autonomie du sport par l'ONU a été obtenue après intervention du CIO, admis en tant que membre observateur de l'organisation mondiale, un CIO dont le président, Thomas Bach, avait, en novembre 2013, déclaré à la tribune des Nations unies que «le sport est véritablement le seul domaine de l'existence humaine qui repose sur une loi universelle. Mais pour appliquer cette loi universelle, le sport doit jouir d'une autonomie exercée de manière responsable. La politique doit respecter cette autonomie du sport». Les autorités politiques interpellées Le communiqué du CIO indique que «la résolution reconnaît le sport comme moyen de promouvoir l'éducation, la santé, le développement et la paix, et relève le rôle significatif du CIO et du Mouvement olympique pour réaliser ces objectifs. Elle admet que les grandes manifestations sportives internationales doivent être organisées dans un esprit de paix, de compréhension mutuelle, d'amitié et de tolérance, toute forme de discrimination étant exclue, et qu'il convient de respecter le caractère unificateur et conciliateur de ces manifestations. Cela implique clairement que la participation pleine et entière de tous aux manifestations sportives est encouragée et qu'ainsi les boycottages sont incompatibles avec cet appel de l'ONU au respect des valeurs du sport.» A la suite de la décision prise par l'ONU, le président du CIO a adressé une lettre aux 205 Comités nationaux olympiques de par le monde dans laquelle il appelle au renforcement de l'autonomie du sport dans leurs pays respectifs et leur demande, dans tout dialogue engagé avec les dirigeants politiques, d'encourager ces derniers «à accorder au sport toute l'attention voulue dans le cadre du programme de développement des Nations unies pour l'après-2015». Le président du CIO déclare à ce sujet : «nous devons former des partenariats avec les organisations politiques sur la base de cette reconnaissance de l'autonomie du sport. L'excellente coopération entre les Nations unies et le CIO peut à cet égard servir d'exemple pour les liens à établir sur le plan national entre les Comités Nationaux Olympiques et leurs gouvernements respectifs. Ces relations avec les gouvernements exigent que le sport demeure toujours politiquement neutre.» De leur côté, les Nations unies prennent acte de la Charte olympique, en particulier du principe fondamental selon lequel «toute forme de discrimination est incompatible avec l'appartenance au mouvement olympique».