Remonter aux sources historiques, parler du riche patrimoine qu'Oran «la Radieuse» a cumulé au fil des siècles, est un travail qui demande beaucoup de passion et de temps. Chose qui n'intimide en rien l'historien, chercheur et ancien conservateur en chef des Archives nationales, Fouad Soufi. «Oran, une ville dans l'histoire» est, donc, le titre qu'a choisi mot pour mot cet historien chevronné pour parler en long et en large de la ville des deux lionceaux, avant-hier, à la librairie Chaïb-Dzaïr (ANEP). «On tombe sous le charme des Oranais avant de connaître leur ville qui croule sous les clichés délicieusement inféodés à leur accent inimitable qu'Assia Djebbar trouvait viril et séduisant. Oran, c'est sa gente féminine et ses hommes, Alloula et son esthétique brechtienne, sa musique raï et la fascination exercée par cette ville sur les grands écrivains (Jules Verne, Cervantès…). Oran, c'est aussi la tragique histoire d'amour de Djaâfar, le fils du vizir de Cordoue, qui a donné, selon la légende, le nom de Wahran à ce lieu où le quartier mythique de Sidi El Houari regroupe la majorité des monuments historiques d'Oran, l'imposant Fort de Santa-Cruz et sa chapelle, le port de Mers El Kébir, les grands résistants Larbi Ben M'hidi, né à Aïn Mlila et chef de la wilaya IV et Ahmed Zabana, Camus et son appréciation négative de la ville qu'il trouvait laide, tournant le dos à la mer et où on s'y ennuie, les vestiges à la pluralité historique (paléo-berbère, arabo-musulmane, ibérique et française), le célèbre S'hab El Baroud et la troupe Karabila, le monumental hôtel de ville (1886), le bel Opéra qui porte le nom d'Alloula (1908), la ‘calentica', plat aux pois chiches, le Murdjajo au panorama à couper le souffle…», dira en introduction Sid-Ali Sekhri, modérateur des rencontres littéraires de l'Anep. Dimensions historiques De son côté, Fouad Soufi tablera sa communication sur ces cinq principaux points : la fondation de la ville, son occupation par les Espagnols, sa libération du joug espagnol, la période coloniale française et, enfin, la période actuelle. Il évoquera aussi ses dimensions historiques : omeyyade, fatimide, almoravide, almohade, mérinide, hafside, et zianide. «Non pas qu'elle a une place particulière, mais Oran a un vécu et une histoire particulière. Fondée entre des luttes ayant opposé les Omeyyades sunnites aux Fatimides chiites, dès le départ Oran devait jouer un rôle politique. Fondée en 902 par les Andalous, Oran connaît une succession de dynasties arabo-berbères», fera savoir Fouad Soufi en soulignant que la véritable histoire d'Oran débute entre 902-903. «D'après les historiens arabes, des marins andalous conduits par Mohammed Ben Abou Aoun (omeyyade) s'était alliés aux tribus locales (Nefzar et Mosguen) et établirent les fondations d'une cité qui prit le nom de Wahran.» Oran connaît un premier âge d'or entre les Xe et XIIIe siècles. Après avoir été au centre des luttes, elle fut plusieurs fois détruite et reconstruite. Mais très vite elle devient un centre économique important. «A cette période, dit-il, Oran va jouer un rôle particulier en s'inscrivant dans un vaste mouvement de fondation des villes du Maghreb». «Dans ce mouvement de développement, Oran va devenir une sorte de capitale économique du royaume des Zyanides. Elle va même construire un port qui deviendra plus important que celui de Honaïne, car l'accès à ce dernier est très difficile, même de nos jours.» Rendue aux Zyanides au XVe siècle, Oran redevint un centre important d'études littéraires et théologiques entre 1350 et 1462 (école maghrébine du «Tassawof»). Entrée des Espagnols Cette réputation de ville riche attire les convoitises, et les Espagnols ne peuvent contenir leur admiration à la vue de cette ville deux fois plus grande que la leur (Cadix). «En 1509, la flotte du cardinal espagnol, Jiménez de Cisneros, est signalée, et après de durs combats, l'armée espagnole rentre dans Oran qui connaît deux périodes d'occupation espagnole (1732-1792), une musulmane, et l'autre chrétienne. À partir de 1790, Oran quitte le statut de l'Algérie pour rejoindre celui de l'Espagne. En 1792, le Bey Mohamed Ben Othman libéra Oran et la fit sortir de son site primitif en créant de nouveaux quartiers (derb), car pour leur part, les Algériens refusaient qu'Oran reste aux mains des Espagnols.» Concernant l'occupation française, Soufi dira que c'est suite à cette colonisation qu'Oran est devenue ce qu'elle est aujourd'hui.