Des centaines de quartiers oubliés à la périphérie des grandes cités, des villages enclavés et des hameaux isolés découvriront cet hiver les bienfaits et le confort du gaz de ville. Dans un pays qui compte parmi les plus grands exportateurs et parmi les plus grandes réserves du monde, on pourrait dire que c'est la moindre des choses, qu'il était temps ou que ça aurait pu se faire depuis longtemps. Mais personne n'est comptable du retard d'un projet qui se réalise quand les dommages directs ou collatéraux que cela a pu induire ne sont pas vraiment quantifiables. Le gaz n'est pas encore là pour tout le monde au pays du gaz, mais le rythme de livraison et le nombre de projets en cours de réalisation à courtes échéances ne peuvent pas être occultés. Comme le bonheur est aussi fait pour faire oublier les malheurs qui l'ont précédé, il ne devrait pas y avoir grand monde pour décrocher de l'instant magique où on tourne le gros robinet, de la liesse qui suivra et de la perspective toute proche et réelle de passer un hiver au chaud, sans contrainte et à moindre prix. Il est vrai tout de même que pour apprécier une situation, il faut opérer un flash back sur un passé moins drôle. Celui des bouteilles de trente kilos à porter sur son épaule meurtrie, à traîner avec un système fait de bric et de broc, à dos d'âne ou poussée à coups de pied désespérants sur des pistes impossibles. Se rappeler au bon souvenir des temps bénis où on attendait «le camion» comme un vieux retraité attend sa pension, la maison glaciale et la marmite problématique, le poêle inutile et le petit dernier toussant à rendre l'âme sous un amas de couvertures. Se remémorer les queues de sinistre mémoire devant les «dépôts» et les stations services où des préposés tout heureux d'un pouvoir inespéré, repoussent des vieilles tremblotantes et des enfants au regard perdu avec l'arrogance de petits caïds de douar et la cupidité de prédateurs familiers des amas d'ordures. Et la bombonne à plusieurs fois son prix pour les plus faibles et à son prix «normal» pour les nantis et les roublards. Pour tous ceux qui ont vécu des hivers comme ça et s'apprêtent à entamer une autre époque, cet hiver sera spécial. Restent les autres, ceux qui doivent attendre des échéances précises ou improbables et qui doivent déjà apprécier une pression atténuée sur la bouteille. Le gaz «dans le mur», comme il est désigné dans le langage populaire, est une belle invention, mais il doit arriver chez tout le monde, au pays du… gaz. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir