Les parents des victimes du suicide vivent une situation difficile après la disparition de leur progéniture. Le choc est immense, les séquelles vont les hanter toute leur vie. Ils se sentent parfois coupables du malheur qui a touché leurs enfants suicidés. Certains sombrent dans une profonde déprime. D'ailleurs, rares sont ceux qui évoquent la mort de leurs propres enfants par suicide. Un frère d'une jeune fille qui s'est suicidée l'année dernière, dans un village au nord de la wilaya de Tizi Ouzou, a accepté de nous parler de sa sœur. Un drame qui hante depuis la famille. Il nous dira : «Ce n'est pas facile d'accepter la mort par suicide de ton propre enfant, frère ou sœur, surtout lorsqu'on ignore les raisons d'un tel acte. On passe tout le reste de notre vie à se poser des questions, ce qui empire notre souffrance. En quelque sorte, on n'arrive pas à faire notre deuil. Vraiment, ce n'est pas facile de surmonter une telle épreuve.» Des déclarations lourdes de sens qui résument à elle seules la détresse et le chagrin des parents des victimes de suicidés. «Je ne me suis pas rendu au cimetière de notre village depuis l'enterrement de ma sœur. En famille, on évite de parler d'elle. Mais chacun pleure seul dans son coin», ajoutera notre interlocuteur qui ne veut pas s'étaler sur le sujet. Un père d'une jeune lycéenne de Tizi Ouzou qui a tenté de se suicider en 2002 a accepté aussi de nous parler. «J'ai vécu une période très difficile. Ma fille a été sauvée de justesse d'un suicide à cause de ses mauvais résultats scolaires. Grâce à un suivi psychologique elle a réussi à tenir le coup. L'année suivante, après sa tentative de mettre fin à ses jours, elle a eu son bac avec mention et elle est actuellement étudiante à la faculté de médecine de Tizi Ouzou. J'ai passé des nuits horribles les premiers temps. Nous étions obligés de la surveiller jour et nuit, ses frères et moi. Mais je ne vous cache pas, ce n'est pas facile pour moi en tant que père de voir ma fille tenter de se suicider. Dieu merci, aujourd'hui, ma fille aînée ne souffre plus et mène une vie normale. Je me culpabilise parce que j'exigeais d'elle de bons résultats scolaires et ma petite ne voulait pas me décevoir. Lorsque j'apprends dans la presse les cas de suicide signalés presque chaque semaine, le premier à qui je pense, c'est aux parents de la victime et à ses frères», dira le père de la fille qui avait tenté de se suicider. Les proches et les cousins des victimes de suicide ne sont pas épargnés eux aussi par les souffrances psychologiques. Ils éprouvent toutes les peines pour tenir le coup. Un jeune étudiant à l'université Hasnaoua de Tizi Ouzou a fait part de son témoignage après le suicide de l'un de ses collègues du même groupe au début de cette année. «Notre camarade s'est suicidé au début de cette année, à cause des problèmes avec sa dulcinée. Je ne vous cache pas que le vide qu'il a laissé est immense. Même notre rendement a régressé», dira-t-il. Ce ne sont là que quelques cas parmi des centaines d'autres. Le phénomène fait des ravages et les douleurs qu'ils génère sont souvent muettes.