Devant l´état alarmant de madame à terme, un agent de sécurité se rue... On peut annoncer, d´emblée, que cela faisait quelques «Ramadhans» que l´on n´avait pas eu l´occasion d´assister à un morceau d´anthologie en matière de justice rendue. Ce mercredi de Ramadhan 1428, il y avait dans la salle d´audience du tribunal de Hussein Dey (cour d´Alger) cette sacrée juge du pénal, Nadia Amirouche, qui remplace l´autre non moins sacrée Bahia Tabi Allalou, en congé ce mercredi. Et qui dit Amirouche, dit rigueur, honnêteté, sévérité et surtout attention. En face, pour défendre un agent de sécurité poursuivi pour coups et blessures volontaires à l´encontre d´un agent préposé dans un établissement de soins premiers, qui brandit un certificat médical de vingt jours «tout rond», il y avait ce monstre doux du barreau d´Alger: Maître Bouchachi, pas Rachid, Mustapha. Ce face-à-face sera à l´avantage du plaideur qui aura été probablement un des profs de Amirouche, laquelle n´est jamais malléable devant des ratés de plaidoiries qui passent à côté. Il est vrai que l´avocat de Didouche avait su planter quelques banderilles de droit, mais aussi de contournements des effets d´un délit dévastateur, car il s´est agi d´une agression d´un employé dans l´exercice de ses fonctions au sein même de l´établissement de soins. Plus grave, alarmé par l´état de son épouse à terme, l´inculpé, l´agent de sécurité n´avait même pas eu le temps d´ôter son uniforme. Ce qui constitue en soi des circonstances aggravantes. Or, Maître Bouchachi va tout tenter pour renverser la vapeur, i-e en faire des circonstances atténuantes. «Oui, madame la présidente. En se précipitant en uniforme, vociférant devant cette infirmière occupée à courir pour une parente - Ce qui constitue un scandale - l´inculpé venait de faire l´objet d´une première provocation», s´est écrié le conseil devant une Amirouche bizarrement tolérante, elle, qui n´a jamais permis à un quelconque plaideur de sortir des sentiers battus. Et ce n´était pas fini. Passant à la vitesse supérieure, le défenseur s´en est allé droit sur des explications que Amirouche suivait avec une attention propre à...Nadia, la juge. «Ce qui est malheureux dans ce dossier, c´est qu´il y a eu, certes, des coups et blessures volontaires, mais le ministère public, avec sa terrible opportunité des poursuites, n´a pas estimé nécessaire de retenir la ré-ci-pro-ci-té.» «Oui, madame la présidente. C´est quoi en fait que cette affaire? C´est un morceau de mauvais choix du comportement quotidien dans nos administrations. Voilà un jeune futur papa qui arrive avec son épouse à terme à onze heures. Trois heures plus tard, les patients défilaient grâce aux interventions. Le sang a fait un quart de tour dans les veines de l´agent de sécurité qui voyait sa femme au bord de l´agonie. Et ce qui s´est passé, la justice le sait. Tous les jours, vous avez affaire à de la provocation qui mène à la rixe.» Amirouche, elle, suivait presque religieusement la plaidoirie qui a vu Maître Bouchachi poser la problématique d´une victime d´injustice en inculpé en détention préventive depuis le 29 août 2008. «Le comble, c´est lorsqu´il était en garde à vue, que le joli poupon est né par...césarienne. C´est inadmissible, madame, car une intervention chirurgicale n´est pas un jeu d´enfant!» était aussi écrié l´avocat qui n´a pas voulu demander la relaxe (oh! non, jamais), mais les circonstances atténuantes, car le détenu a aussi un certificat médical à la suite de coups de pied reçus en pleine poitrine. L´émotion aidant, l´assistance où l´on avait remarqué la présence de Maîtres Attaïlia Belahcène Fadila, Garmia Féria, Saïd Hamed, Messaoud Chedri et autre Maître Tahar Boukhari, était comme paralysée. Un drame qui va pousser Amirouche, la présidente, à mettre en examen le dossier sous huitaine, préférant décider avec du recul, analysant la touchante et détaillée intervention de Maître Bouchachi qui venait de créer le «Bouchachisme», concept qui voit un avocat placer un inculpé-détenu en position de...victime incarcérée! Ce n´est pas rien, et le membre du conseil de l´Ordre de croire que cette présidente ne suivra jamais les effarantes demandes de la jolie parquetière qui a dû effectuer ses mêmes demandes sur la base de l´article 264 du Code pénal. Et l´article 264 (lire en colonne ci-contre) une fois utilisé, voit certains magistrats y aller avec le dos de la cuillère. Durant le délibéré, Maître Bouchachi a dû espérer du fond de ses méninges que la juge ne passe pas trop de temps à examiner les photos qui démontrent, sans aucun doute, que la victime, affreusement amochée, a dû recevoir de ce véritable inculpé mastodonte, une raclée dont il se souviendra toute sa vie. En outre, il y a ces vingt et un jours d´incapacité (certains mauvais esprits tordus parlent de solidarité entre gens de la santé et surtout que la rixe - à supposer qu´il y en ait une -, puisqu´aucun être humain normalement constitué, ne croira une seule seconde qu´une victime qui reçoit des coups, ne puisse répondre, ne serait-ce qu´en se défendant, des coups peuvent toucher l´adversaire agresseur. Bref, passons. Lorsqu´il apprit le verdict -deux mois ferme- Maître Mustapha Bouchachi a eu cette réflexion: «Cette bonne juge aurait pu éviter le 264 et aller vers l´excuse de provocation.» Mais bon, a dû se dire le membre du conseil de l´Ordre de la capitale. Et mieux pour l´avocat: «C´est tout de même une bonne décision au vu des photos présentées au dossier.» Le détenu, lui, avait reçu le verdict comme un gnon, comme il en avait donné à la victime. Voilà où atterrit un futur papa d´un beau bébé qu´il n´avait pas encore vu à la naissance par «césarienne», comme l´avait déploré Maître Mustapha Bouchachi, au cours de sa plaidoirie, une plaidoirie qui a fait souffrir la victime et la parquetière, et légèrement agacé la présidente, une Amirouche, somme toute égale à elle-même, une très bonne magistrate de...Ramadhan 1428.