Quelqu´un qui est divorcé et qui se retrouve au chômage a trouvé une astuce pour ne pas rester éternellement seul. Mais... Naouel J., est une jeune divorcée, mère de quatre enfants que le papa n´avait plus revu depuis longtemps. Et lorsque nous écrivons depuis longtemps, pas vus, nous lions «pas pris en charge par le papa» qui s´était entre-temps remarié et un poupon est venu grossir la famille de L.F. et «affamer» les quatre enfants dont deux en bas âge. Naouel, elle, avait pris la résolution de ne pas constituer un avocat: «Je n´ai même pas de quoi faire vivre mes enfants. Certes, une jeune avocate m´avait promis de m´aider le jour de l´audience, mais elle est alitée et dans un mauvais état», explique la victime à qui on avait dit que son avocat était Faïza Mousrati, la jeune représentante du ministère public qui est installée à la droite de cette terrifiante Selma Bedri, la non-moins jeune présidente de la section correctionnelle du tribunal d´El Harrach (cour d´Alger). Et au milieu de ce banal tableau, L.F., lui, s´était présenté à la barre, flanqué de Maître Benouadah Lamouri qui a sa petite idée pour tenter de sauver les membres «brûlés» par l´article 331 du Code pénal, un article tout aussi redoutable, car il s´agit d´enfants qui doivent manger, boire, s´habiller, se soigner, aller à l´école, jouer, faire du sport. Et tout cela demande beaucoup d´argent. Le comble, c´est que l´inculpé est au chômage depuis un certain temps, depuis que le privé souffre aussi de la crise universelle qui a plongé l´emploi dans le bassin du vide - par nécessité - or, Bedri, la juge elle, veut entendre de la bouche du papa défaillant, plus que des bribes de mots lâchés sous l´effet de la peur. «Alors, vous avez été condamné à verser huit mille dinars à vos quatre enfants, et ce, mensuellement avant qu´une augmentation ne vienne grossir la dette. Qu´avez-vous à dire à ce propos? mâchonne la juge. - Oui, je sais qu´il s´agit de mes propres enfants. Je passe mon temps à chercher du travail. Je ne fais que cela, répond, avec beaucoup d´émotion l´inculpé sous contrôle judiciaire. - Vous vivez seul? demande Bedri, qui n´est pas surprise par: - Non, madame. - Non, madame quoi?, dit les mâchoires serrées la présidente qui savait où elle devait en venir. - Non, madame la présidente, je me suis marié... heu... remarié et nous avons même un bébé âgé de quatre mois. - Et vous venez d´informer le tribunal que vous ne travaillez pas. C´est quoi, ces excuses? balance la présidente. Maître Lamouri ne dit mot. Il attend sa plaidoirie pour jouer... - Je me débrouille. Il y a des hauts et des bas. Je bricole, dit avec le sourire L.F. - Alors, bricolez et régularisez vos quatre enfants. Vous leur devez déjà une vingtaine de millions de centimes. Si ce n´est pas compris et assimilé, le tribunal peut répéter.» «Madame la procureure, vos demandes, merci!» dit presque d´un seul trait, Bedri qui prend acte de la peine demandée: six mois de prison ferme. Sitôt invité à plaider, Maître Lamouri qui adore servir les intérêts d´un inculpé plutôt que ceux d´une victime, l´avocat de Dar El Beïda charge tout de go sur certains termes de l´article 331 (loi n°06-23 du 20 décembre 2006) du Code pénal: «Nous n´avons pas pour habitude de défendre aveuglement. Nous faisons notre boulot sérieusement. L´affaire du jour me pousse à effectuer deux observations autour des faits: L.F. est un bon père. Mais à quarante-deux ans, il n´allait pas vivre indéfiniment seul, ce qui explique son remariage. Ensuite, le Code pénal dans son article 331, parle expressément de toute personne qui demeure vo-lon-taire-ment plus de deux mois sans s´acquitter de la pension alimentaire et ce, au mépris d´une décision d´un jugement rendu contre elle...Ici, l´inculpé n´a pas usé d´un mépris envers ses enfants. Il n´a pas refusé de régulariser ses enfants. Il n´a pas pu le faire. Alors, que doit-on faire avec lui? Que peut-on faire pour les enfants? L´envoyer en taule, c´est fermer la porte à tout espoir de le voir retrousser ses manches et... bricoler comme il l´a si bien souligné et payer sa dette envers ses enfants», avait articulé le vieux défenseur qui a réclamé tout au plus, l´indulgence du tribunal et émettre le voeu de voir ce drame connaître une issue heureuse pour tous. Epelant le traditionnel dernier mot, L.F., arrive enfin à dire une longue phrase: «J´aime mes enfants. Ne me jetez pas en prison. Donnez-moi une chance de réparer une situation que je n´ai jamais cherchée.» La présidente hoche la tête et décide sur le siège d´infliger une peine de prison assortie du sursis avec cette ultime recommandation: «Cherchez du travail et occupez-vous mieux de vos enfants.»