«Méfie-toi du tigre plus que du lion, et d´un âne méchant plus que du tigre.» Proverbe arabe Il n´y avait pas que l´Entv qui censurait les politiques sur les plateaux de télévision. Même les partis politiques opéraient des censures dans leurs propres camps. La télévision est un espace privilégié pour se faire connaître du peuple, mais aussi auprès du pouvoir. L´émission «Face à la presse» de Mourad Chebine devait au départ, selon les responsables de la Télévision, organiser un face-à-face entre Ali Benhadj, numéro2 du FIS et Mokrane Aït Larbi, numéro2 du RCD, mais au lendemain d´une interview réalisée par Fouad Boughanem sur les colonnes du quotidien Horizons, où Ali Benhadj a été d´une extrême violence contre les femmes, Abassi Madani a refusé catégoriquement le passage d´Ali Benhadj à l´antenne, évoquant sa qualité de responsable et porte-parole du parti. Abassi Madani qui enseignait la sociologie à la fac de Bouzaréah, savait qu´Ali Benhadj, avec son discours direct et franc et surtout un langage populaire dénué de toute diplomatie et de pluralisme politique, était un danger pour l´image du parti dissous. Son passage à l´écran allait offrir une image négative du parti islamiste sur la scène politique et surtout donnerait les moyens au pouvoir de le censurer en cas de dérapage. Mais ce que Abassi Madani redoutait surtout, c´était qu´Ali Benhadj qui était déjà très populaire auprès des jeunes, lui fasse de l´ombre sur le plan médiatique. Abassi Madani était un fin politicien et mesurait ses paroles devant ses adversaires. On se souvient lorsque HHC (alors jeune journaliste) accueillait le chef de l´ex-FIS, suites aux marches de soutien pour l´Irak en 91, il avait posé cette question: «Les démocrates s´insurgent contre les attaques répétées de votre parti contre eux.» Abassi a eu cette réponse très pernicieuse: «Est-ce que vous nous avez entendus un jour critiquer les autres partis? Bien au contraire, c´est ces partis dits démocrates qui nous critiquent chaque jour qu´Allah fait.» Abassi était un loup de la communication et de ce fait, il savait à chaque fois retourner la situation à son avantage. Ali Benhadj qu´on pourrait comparer à Malcolm X, avait un discours virulent et direct qui ne cadrait pas avec la situation délicate du pays. Par ailleurs, Abassi Madani n´est pas le seul à barrer la route à ses lieutenants. Saïd Sadi avait refusé également que Mokrane Aït Larbi, n°2 du RCD à l´époque, affronte le n°1 du parti dissous. Un duel entre le numéro 2 du RCD et le numéro 2 du parti dissous n´aurait pas été moche non plus, car les deux hommes politiques s´apprécient et se détestent en même temps. Ils maitrisent très bien la parole. Mokrane Aït Larbi a tout de même réalisé ses faits d´armes à la télévision, en affrontant un responsable du FLN sur la question épineuse de la langue arabe. Aït Larbi, avocat de son état, maitrisait aussi bien le français que l´arabe. Il a remporté son duel face au représentant du FLN, en lui donnant des leçons dans la langue d´El Moutanabi. L´Entv dans les années 90, c´était la belle époque de la politique et de la télévision. [email protected]