Les fêtes, quelle que soit leur nature, ont toujours été encouragées par les marchands, qu´ils soient du Temple ou du Bazar, quand ce ne sont pas eux qui les ont créées. Elles leur permettent en effet d´accroître leurs bénéfices et de faire baisser considérablement leurs stocks. Dans la société de consommation qui a débuté avec l´ère industrielle, bien d´austères célébrations religieuses ont été «perverties» par l´appât du gain. Il en est ainsi de la fête de la Nativité qui est devenue la fête de Noël avec son père, son traîneau, sa barbe blanche, son manteau rouge et sa hotte de cadeaux...Tout cela par la grâce du capitalisme américain. En Europe, la trêve des confiseurs (on l´appelle sans doute ainsi en souvenir des longues guerres moyenâgeuses où les belligérants éprouvent le besoin de souffler un peu et d´instaurer une trêve pour reprendre des forces, sous les auspices d´un ordre religieux ou d´une corporation aux buts pacifiques - comme les confiseurs -) est une semaine assez riche en festoiements et en libations. Si la Noël est une fête purement familiale, le Réveillon de fin d´année est plutôt plus convivial et permet aux collectivités de franchir le mur invisible et conventionnel qui sépare deux années fiscales. Ce franchissement est d´autant plus aisé quand il est noyé dans les vapeurs de l´alcool, les musiques des orchestres dansants et les souhaits traditionnels qu´échangent les individus entre eux. Evidemment, Dieu merci, notre pays est épargné par ce genre de célébrations qui ont une teinte païenne. Heureusement qu´il n´y a qu´une classe de privilégiés qui peuvent se permettre d´aller noyer leur ennui dans ces lieux de perdition où la plus simple addition donnerait un infarctus à un smicard. Pensez donc! Dépenser en une seule nuit, ce qui permettrait à un honnête père de famille de nourrir sa famille pendant au moins une année! Et quand je dis nourrit, je sous-entends, que ce pater familias nombreuse qui n´a jamais eu l´occasion ni les moyens de célébrer la fête de l´An (ce qui l´oblige évidemment à passer le Réveillon à la maison où il n´aura rien d´autre à faire qu´à concevoir un autre héritier supplémentaire et quand je dis héritier, je précise qu´il n´héritera en fait que de la précarité du père...) est bien logé, c´est-à-dire qu´il habite dans une de ces sinistres cités-dortoirs où il n´existe rien qui puisse égayer un instant, l´âme d´un forçat qui passe quatre heures par jour dans les transports en commun en franchissant, combien de fois, ces noeuds de circulation où la bouche de métro attend avec angoisse et anxiété la fin du chantier du tramway...Donc, cet honorable père de famille, cet oublié des statistiques et des planificateurs, qui n´a jamais été obligé d´aller habiter un bidonville ou de brûler un pneu pour bénéficier d´un logement en catastrophe, n´a pour toute ressource que de lever les yeux vers la voûte étoilée qui est si limpide par ces temps de grande froidure, et de prier pour que ses enfants connaissent un autre sort que le sien. Il prie très fort avec conviction pour que l´aîné, qui a vocation de marin, puisse devenir pêcheur et aller à la pêche au thon en emporte le Turc, que le second qui est ingénieur en génie civil rejoigne le département d´Amar Ghoul, avant que l´autoroute Est-Ouest ne devienne Sud-Nord et que le dernier qui est versé dans la langue de Shakespeare, trouve un job à Sonatrach.