La réalisatrice Nadia Zouaoui aux cotés de Lounes Taghmount, un ancien moudjahid qui vit à New York depuis 40 ans et qui travaillait à la grande mosquée de Mahattan Nadia Zouaoui fait partie de ces réalisatrices algériennes qui se sont illustrées ces derniers années sur la scène audiovisuelle. Après son témoignage émouvant sur la situation des femmes en Kabylie Le voyage de Nadia, elle fait encore plus fort avec son dernier documentaire Peur, colère et politique sur la situation des musulmans après le 11 septembre. Elle vient de remporter le Prix du meilleur documentaire au Festival du documentaire de Harlem à New York. Dans cette contribution elle apporte son témoignage sur le passage d'un documentaire exceptionnel sur l'Amérique après le 11 septembre. Prendre un avion un 11 septembre pour New York dans le but de présenter un film sur le 11 septembre à bord de Jet Blue (la compagnie aérienne qu'un de mes personnages a menée en court pour profilage racial et contre laquelle il a gagné 240.000 dollars)... me rendait un peu nerveuse. Je me disais que j'avais réuni tous les ingrédients pour avoir des problèmes. Et pourtant, cette Amérique qu'on critique tant, a deux visages. Contrairement aux gens que j'ai rencontrés en faisant mon film, j'ai eu droit à une Amérique tolérante et belle avec sa diversité et son dos large qui prend la critique pour mieux se remettre en question... Illusion ou réalité? Les avocats des organisations des droits de la personne m'avaient dit que c'est une illusion car eux savaient tout ce qui se tramait sous les jupons de la politique américaine. De mon côté, j'ai vu les gens qui sont venus voir mon film dans ce quartier chaud de Harlem, ils étaient si touchés et révoltés par les injustices que j'ai dénoncées dans mon film. Durant la période en question, aucune critique ou remarque négative. Aucun point de nationalisme ou de protectionnisme. Les gens m'ont remercié de raconter un pan de cette histoire qui n'a pas encore été racontée en Amérique. Ils disaient qu'ils s'en doutaient un peu, qu'ils avaient vu passer des bribes d'information ça et là dans les journaux, mais ne se doutaient pas d'un tel impact de ce Patriot Act qui a bouleversé tant de vies, séparé des familles et emprisonné tant d'hommes. Plusieurs trouvaient que ce film devait être vu aux Etats-Unis pour sensibiliser les gens aux dommages collatéraux de la guerre contre le terrorisme. Ces Américains m'ont donné une véritable leçon d'humilité, moi qui quittait un Québec qui s'enflammait avec son projet de Charte des valeurs québécoise et où être immigrant musulman est devenu une véritable tare identitaire! En Amérique, on ne m'a pas demandé mes origines. Ah oui, une personne m'a demandé mon «background». Quand j'ai commencé à parler de mes origines, la personne à fait un geste de sa main pour signifier que ce n'était pas le but de sa question, elle a enchaîné rapidement: «Non je voudrais connaître votre background professionnel, car pour faire une telle enquête il faut avoir une habilité de journaliste d'enquête...» En ce triste anniversaire de la plus grande attaque terroriste qui a déchiré l'Amérique, je tire chapeau bas à ces citoyens américains qui vont au-delà de leur souffrance pour regarder celle des autres, d'évaluer l'autre version des faits et de se remettre en question....Je ne pouvais m'empêcher de me demander... à quand des pays arabo-musulmans accepteraient des documentaires qui critiqueraient leurs propres gouvernements et qui inviteraient ses auteurs pour en parler sans que cela ne soit un danger pour leur vie! Je suis vraiment contente que le film que j'ai fait avec très peu de moyens ait autant d'impact. Mes enfants qui sont témoins de mes défis financiers m'ont rappelé que je n'avais même pas de quoi m'acheter un nouvel ordinateur quand le mien m'a lâché. J'ai squatté celui de mon fils pendant des mois, mais chaque soir, comme Cendrillon, je ne devais pas dépasser minuit pour le lui restituer. Peur, colère et politique a été le 5e film le plus regardé sur Al Jazeera anglais et a été placé au top 10 des documentaires les plus regardés sur Internet. Peur, colère et politique a gagné le Prix du world Best Doc. (Meilleur documentaire international) au Harlem International Film Festival à New York. Dans un autre festival au Canada, il a gagné le Prix de la meilleure production indépendante canadienne et la Mention Spéciale du jury des droits de la personne. Il est aussi en compétition au Festival international de Baghdad, en octobre. Cela me pousse à l'envoyer à plus de festivals...il faut juste que je trouve le temps...car quand on est indépendante et qu'on fait des films engagés, on doit parfois choisir entre envoyer son film aux festivals ou trouver un boulot pour payer son loyer! Pour suivre son film au Baghdad International Film Festival: http://www.baghdadfilmfest.com/ and Facebook page http://www.facebook.com/ BaghdadFilmFestival.