C'est devenu une sale habitude pour cet espace de vous ennuyer avec les mille problèmes des couples brisés, à se mettre sous les canines... Saïd, 40 ans et Nora, 37 ans, ont deux garçons. Ils sont à la barre face à Karima Sabiatte, la juge de Chéraga (cour de Tipasa) en vue de se jeter de grosses pierres au visage à cause de la méconnaissance des lois. Et si Nora était toute seule à la gauche de son ex-époux, très éprouvé par les poursuites, surtout qu'il réside à Oran depuis son remariage d'où la naissance d'une fille et un garçon avec, en prime, dit-il, les yeux ravis, la paix!?! Saïd, lui, était assisté de la balèze avocate de Chéraga, Maître Malia Bouzid, pimpante et véritablement dans une forme à ne pas l'avoir comme... adversaire. Billel Chouieb, le très beau représentant du ministère public, lui, avait sous les yeux l'article 331 (loi n°06-23 du 20 décembre 2006) qui dispose qu' «est punie d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 50.000 à 300.000 DA, toute personne qui, au mépris d'une décision de justice rendue contre elle ou en méconnaissance d'une ordonnance ou d'un jugement l'ayant condamné à verser une pension alimentaire à son conjoint, à ses ascendants, à ses descendants, est volontairement demeurée plus de deux mois sans fournir la totalité des subsides déterminés par le juge ni de s'acquitter du montant intégral de la pension. Le défaut de paiement est présumé volontaire, sauf preuve du contraire. L'insolvabilité qui résulte de l'inconduite habituelle, de la paresse ou de l'ivrognerie n'est, en aucun cas, un motif d'excuse valable pour le débiteur. Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 37, 40 et 329 du Code de procédure pénale, est également compétent pour connaître des délits visés au présent article, le tribunal du domicile ou de la résidence de la personne qui doit recevoir la pension alimentaire ou bénéficier des subsides. Le pardon de la victime, après paiement des sommes exigibles, met fin aux poursuites pénales. C'est dans cet esprit que le procureur réclamera une peine de un an ferme. Seulement voilà: Saïd B., ce cadre à la carrure d'un athlète au summum de sa forme allait se mélanger les pédales. Inculpé de non-paiement de la pension alimentaire et après avoir sorti de la poche intérieure de sa très belle veste grise les reçus de règlement de la pension alimentaire, a vu son esprit déraper. Oui, au lieu de s'en tenir aux preuves exhibées, il allait défoncer une porte ouverte que la présidente de la section correctionnelle allait utiliser pour un sermon gratuit mais utile. Oui, Saïd dérapa en déplorant que son ex-madame refusait l'exercice du droit de visite. Maître Malia Bouzid, son avocate, laissa faire pour voir où voulait en venir le justiciable. Elle n'en aura pas le temps car la magistrate prit la balle au bond: «Inculpé! Ce tribunal ne vous permet plus d'élever le ton, ni la voix... Ensuite, vous veniez de soulever un impair qui n'a rien à voir avec votre délit. Donc, sauf preuve contraire, vous risquez une condamnation pour avoir négligé le règlement de la pension alimentaire et nous attendrons les preuves de votre bonne foi!» articule Sabiatte, cette juge qui a longtemps exercé en qualité d'avocate à la cour avant d'enfiler la robe noire de la stabilité. Maître Bouzid, elle, avait eu un geste maternel en vue de calmer un tant soit peu son client. Ce dernier, la gorge nouée, abandonna alors son accusation de non-représentation d'enfant, pour raconter toutes les visites faites à ses gamins qu'il gâte au plus haut degré. «Il m'arrive lorsque je les sors de les habiller, de leur offrir des confiseries et même du fric en liquide. Je ne vois pas le mal fait lorsque j'envoie un mandat de... trois mois! Et je... - Non, non, inculpé, contentez-vous d'expédier tous les mois un mandat de 6000 DA et vos ennuis disparaîtront avec l'envoi du mandat», coupe la juge du siège, très tolérante puisqu'elle prendra plaisir à montrer comment s'y prendre dans son cas de non-présentation d'enfants. Elle dit, le menton sur le pupitre: - «Ecoutez-moi bien, inculpé, vous êtes dans une rivière à sec en été. Vous avez sur la rive gauche le non-paiement de la pension alimentaire et sur la rive droite, la non-présentation d'enfants. Il y a deux délits. Vous êtes concerné par le premier, celui de la rive gauche et vous risquez une pluie de tuiles. Pour le second délit, il y a des procédures à respecter. La loi est claire. Maître Bouzid, votre avocate est là. Ainsi, nous gagnerons du temps et vos enfants seront à l'abri du besoin.» La magistrate avait à peine fini le petit-mini frêle sermon que Nora ouvrit la bouche pour débuter un réquisitoire en règle. Nous vous faisons grâce des «graves accusations» portées contre son ex. Ce dernier, au passage, signala que son divorce avait été un modèle: «J'ai laissé un logement à mes enfants après le divorce!» mâchonna-t-il avec beaucoup d'amertume avant que Maître Bouzid n'entame un véritable cours de respect de déontologie: «Moi, ce que je reproche au justiciable c'est d'envoyer des mandats irréguliers. Je lis ici un mandat de 12.000 DA, un autre de 9000 DA, trois de 6000 DA. Pourquoi emprunter ce sinueux chemin? Vous avez 6000 DA/mois. Régularisez tous les 25 du mois! C'est simple. Plus simple que la simplicité; ce qui vous éloignera des ennuis et des plus gros, c'est sûr!» siffle la massive et charmante avocate de Chéraga qui venait de réussir un coup double: - «Laver son client et sensibiliser la juge et l'éloigner ainsi d'un verdict tuant. Le pauvre Saïd se jettera contre le mur au moment où la présidente lui demande de dire le dernier mot tel que prévu par la loi. Et ça n'a pas raté mes amis: au lieu d'un mot, il en prononcera 16 (!?) et à côté bien sûr! - «Je vous demande d'exiger de cette femme le respect du droit de visite car elle refuse... - Non, non, le tribunal vous demande le premier prononcé: «Je», ironise Sabiette, très décontractée après ce sermon qui a dû aller au plus profond du couple brisé, brisé, brisé...