Ils sont partout à la fois, doués d'un pouvoir d'ubiquité, avec des appétits comme ça. Il n'y a qu'à lire et à voir ce mouvement d'ensemble qu'opèrent les milieux de la finance en Algérie, qu'on se dit parfois: où sont passés les politiques qui, d'habitude, alimentent les médias par le flux d'informations traditionnelles? Il y a lieu de relever d'abord, la présence accrue des privés, tous secteurs confondus, sur scène, suivie par le public, représenté par les ministères de l'Industrie, du Commerce et, à un degré moindre, des autres comme les Travaux publics, l'Agriculture, le Tourisme, etc. «L'oligarchie», comme dirait Louisa Hanoune, a pris du poil de la bête, en cette période de vaches maigres. Il ne se passe pas un jour sans que ne se tiennent des séminaires, des conférences, des rencontres, où les représentants du gouvernement sont invités pour exprimer le point de vue officiel. Même lors de la dernière rencontre d'experts autour de la crise, organisée par le Cnes, on a vu les mêmes intervenants marteler leurs vérités, haussant le ton, jusqu'à s'interroger si la décision politique n'est pas concoctée ici-même par ces nouveaux gourous de la finance. En face, les représentants de l'Etat ont présenté une piètre mine d'acteurs qui subissent l'événement. Inutile de parler des partis politiques qui brillent par leur absence. Accoutumés à commenter les actions des autorités, ils n'ont pas trouvé quoi se mettre sous la dent, puisque même le thème de révision de la Constitution ne les emballe point; parce qu'ils ignorent sa teneur. La seconde phase de la montée en cadence des gens de la finance s'est manifestée par le débat politique et les diatribes qu'ils véhiculent. Au point où tout le monde s'est mis à prêter une oreille attentive à leurs messes, pour comprendre le pourquoi et le comment des derniers changements qui ont chamboulé le champ politique. Et l'on assiste, désormais, aux diatribes des jours de l'Aïd qui sont venues remplir le vide laissé par ceux qui sont censés l'occuper. On se demande parfois à quoi servent les institutions comme le Parlement bicéphale ou le Cnes ou la Cour des comptes ou les universités et centres d'experts de tout bois. Même la polémique politique prend sa source de ce côté-ci. En second lieu, il y a le ministre de l'Industrie qui joue le rôle de «modérateur». Il est vrai qu'il a été très actif pendant la dernière année, quand il se déplaçait à l'étranger pour convaincre les investisseurs où à Bellara pour réanimer le projet de zone franche, ou encore à Oran pour inaugurer l'usine Renault. Mais, subitement, il s'est éclipsé pour céder la place aux privés qui sont devenus les interlocuteurs des chefs d'entreprise étrangers et des représentations diplomatiques à Alger. Plus loin derrière, on trouve les voix autorisées du pouvoir qui se font entendre sans, toutefois, remettre en cause les paroles et gestes des premiers. Ces voix préfèrent parler de choses et d'autres, comme l'amendement de la Constitution, sans dévoiler sa nature, ou de crise économique, sans évoquer le volet austérité qui la caractérise... Enfin, il y a l'ensemble de la classe politique qui ne sait plus à quel saint se vouer. Tous les innombrables partis politiques qui apparaissent en période électorale répondent aux abonnés absents. Et l'autorité suprême dans tout ça? Elle semble s'accommoder de ce nouveau changement de rôles. Même le Premier ministre s'y prête au jeu, comme s'il avait trouvé dans la nouvelle répartition des rôles des acteurs aptes à occuper la scène, jusqu'à ce qu'il découvre un thème de prédilection. Il préfère donner «le temps au temps»; il n' y a pas le feu à la porte, tout de même!