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Et si le Barzakh était notre vie ici-bas?
YOKO ET LES GENS DU BARZAKH DE DJAMEL MATI
Publié dans L'Expression le 18 - 05 - 2016

Comment le serait-il, sauf évidemment si, à la fiction, l'esprit humain mêle ses pieuses préoccupations les plus intimes sur sa propre vie dans une société en révolution et en proie à l'épreuve de l'indifférence, de la douleur et de l'absence de méditation.
C'est ce que, à mon sens, Djamel Mati se propose de nous faire observer dans son nouveau roman Yoko et les gens du Barzakh (*). En outre, d'emblée en plein titre, il nous met sous les yeux ce mot «barzakh», si souvent usité en sciences islamiques.
Quelques explications utiles
S'inspirant des informations puisées ailleurs, Djamel Mati note avec pertinence: «Sous un rapport linguistique, le Barzakh signifie barrière, isthme, limite séparant deux objets ou entités. Sur le plan religieux, il implique le monde intermédiaire ente la mort et la résurrection (Passage du défunt du monde des mortels à l'au-delà). Dans le Barzakh, il existe plusieurs étapes qui permettent à l'âme d'évoluer. Dans ce roman, l'auteur le suppose aussi comme étant un des états psychologiques qui devance l'ultime étape avant un accomplissement.» Réflexion tout à fait perspicace, car il fait appel au jugement d'une condition humaine, ici évoquée.
Peut-être faudrait-il ajouter à l'intention du lecteur «avisé» ou «perplexe» que ce mot «barzakh», paraissant «étrange», proprement prononcé «barzakhoun», se trouve trois fois dans le Coran: Al-Mou'minoûna (Les Croyants), sourate XXIII, verset 100: «... Peut-être accomplirai-je quelque oeuvre pie, parmi ce que j'ai laissé! C'est là un mot qu'il dit et derrière eux est une barrière (barzakh) jusqu'au jour où ils seront rappelés», Al-Fourqân (La Salvation), sourate XXV, verset 53 et sourate LV, v. 20. Selon l'éminent orientaliste arabisant-français, Régis Blachère (1900-1973), professeur à la Sorbonne et traducteur du Coran, «Barzakhoun ́ ́barrière ́ ́ est un mot iranien dont le sens est défini dans la sourate XXVII, verset 60, où ce terme est remplacé par le mot arabe hâdjizun qui a ce sens. Sur l'explication de ce passage, v. sourate XXV, 53.» Le voici: «C'est Lui qui a fait confluer les Deux Mers: celle-ci potable et douce, celle-là saumâtre et non potable, et entre elles deux Il a placé une barrière (barzakh) et une limite respectée.» Le professeur Blachère écrit en note à ce verset: «Les Deux Mers. Chez Tabari, cette expression est prise en un sens très étendu: le Créateur a fait en sorte que la masse des eaux fluviales ne soit pas altérée par la salinité de l'eau de mer. Toutefois, pour la génération même de Mahomet, il est possible que ce passage ait fait penser au phénomène du non-mélange immédiat des eaux de l'Euphrate et du Tigre avec celles de la mer, à leur débouché dans le Golfe Persique. En tout cas c'est l'interprétation retenue dans les commentaires postérieurs à Tabari.» [Tabari, historien et exégète du Coran, est né en 839 à Amol au Tabarestan, région ancienne d'Iran, et mort en 923 à Bagdad en Irak]
Ainsi, dans l'islâm, le «Barzakh» est littéralement «barrière», mais aussi «entrave», «limite»,... Plus généralement, les spécialistes, évoquant «le monde du Barzakh», observent: «Les récits rapportent cette parole de l'Imam Sâdiq, que la paix soit sur lui 'par Allah, je crains pour vous le barzakh''. Lorsqu'il fut interrogé sur le barzakh, il répondit «le barzakh est le séjour de l'homme à la tombe depuis la mort jusqu'au jour de la résurrection''.» [...] L'agonie: les souffrances et l'amertume qu'endure l'homme au moment où son esprit le quitte, représentent l'agonie et ses affres. Cette séparation se fait de façon différente en fonction du comportement de l'individu. Ainsi la séparation de l'esprit du corps des élus se fait différemment de celle des damnés. Plusieurs versets coraniques ainsi que des récits explicitent cette question. Il est dit dans le noble Coran: «Ah! Si tu voyais les imposteurs dans les affres de la mort, tandis que les anges, les mains tendues, leur ordonneront 'rendez vos âmes! Vous allez recevoir aujourd'hui, en rétribution, le supplice de l'humiliation pour avoir dit, contre Allah, le contraire de la vérité et vous être écarté de ses versets avec hauteur! [...] La vie du monde intermédiaire ou barzakh est supérieure à la vie d'ici-bas.''» La tradition rapporte les paroles suivantes du Prophète à propos des deux mondes: «Les hommes sont endormis mais dès qu'ils meurent ils s'éveillent à la réalité.»
Dans une sorte de «Barzakh»
Tout en faisant nos excuses d'avoir été long, à nos lecteurs et à l'auteur de «Yoko et les gens du Barzakh», revenons à l'objet très intéressant de ce roman qui traite, en 11 chapitres et un épilogue, des événements douloureux que vit «l'émigration clandestine». D'entrée, nous avons le sentiment d'un immense amour ceint de pitié, de courage et d'indignation qui va courir page après page, et d'autant que «certaines personnes sont comme les étoiles, leur lumière brille encore, pourtant elles sont mortes depuis longtemps», - si elles sont mortes...
Dans un roman, tout est possible, avec une formation d'ingénieur en chef en géophysique, l'expérience de l'écriture (roman et essai), l'imagination - et quelle! - entrer dans «le monde intermédiaire» et le talent pour rester vaillant écrivain fidèle à ses rêves et à ses promesses même dans le tumulte quotidien du monde, c'est là le droit acquis par Djamel Mati de produire une belle oeuvre littéraire comme celle que je tiens en main et sous les yeux. Aussi, suis-je bien aise de ne pas tout dire de cette oeuvre humaine, colossale, musclée, fixée par les exigences à être à la hauteur de l'espérance du Livre Algérien qui éduque et qui instruit. Le livre algérien doit toujours porter en lui la puissance créatrice d'une société en perpétuel devenir, cherchant sans cesse un aboutissement glorieux comme l'indépendance dont rêvaient le peuple et ses moudjahidine: sortir du «Barzakh» de 132 ans de colonisation, puis s'écarter du Barzakh, «ce grand malheur insupportable», déchets et scories d'une colonisation ou telle guerre, ici et là, monstrueuse vésanie qui défait les peuples et en fait plus précisément «les gens du Barzakh» qui se rangent aux côtés du frêle personnage Yoko. Ce monde se trouve «alors dans une sorte de Barzakh étrange». Comment réagira Fatouma face à la cruelle douleur qui se lève en elle? - Désolé, madame Fatouma, vous ne pouvez pas avoir d'enfants! Et l'on console la malheureuse comme on peut. Ce rôle choit à Kamel. C'était à Alger, mercredi 1er octobre 1980. Une longue méditation commence, se développe. Le récit (deux histoires bouleversantes) est âpre, la vie n'est pas neutre. Elle déchire les coeurs. Mati peint une réalité observée, son écriture va dans le même sens, l'analyse des sentiments ou des mouvements du coeur suivant le rythme et la densité de ce «Barzakh» qui n'est pas une simple caricature du «grand malheur» que l'on ne peut, que l'on ne sait circonscrire. Et avec quels moyens? «L'être cher» n'a plus aucune existence...Le deuil est partout. L'enfer brûle les coeurs et déraisonne les esprits. Le vieux couple Fatouma et Kamel traînent partout, dans toutes les rues de la vieille Casbah qui «regardait à présent, quelque peu désappointée, l'onde amère qui réfléchissait l'ennui». Même Kamel, son époux, n'a plus cette vitalité qu'il croyait définitivement mûrie en lui. Avec eux nous traversons le purgatoire de leur vie! Le souvenir de Yoko, la siamoise, la jolie jeune fille noire «aux yeux bleus», les hante. La meurtrissure est profonde. Ils avaient adopté Yoko quand elle avait à peine six mois. Elle avait disparu en mer de Mariana.
L'histoire de Makioussa, leur voisine, est tout aussi poignante. Incroyable, la malheureuse femme, avait eu une fille à Bamako avec son mari malien Ibrahim Aya. Auparavant, une voyante leur avait confié une chatte appelée «Jakuma» (qui veut dire «Charonne») et on lui supposait un pouvoir surnaturel et dont le couple ne devait (très important!) jamais la séparer du bébé qui allait bientôt naître. Les jours passent, et les saisons aussi. Un air de «fantasy» littéraire secoue le cours de l'histoire: maintenant, nous sommes conduits à nous intéresser à trois familles, ainsi dissemblables dans leur mode de vie. Pour autant, cette vie même, les fait se rapprocher. Leurs destinées se recoupent en pleine tragédie qui les atteint. Et Yoko, de quelle vraie puissance dispose-t-elle?... Or le Barzakh est parfaitement tenu par ses gens. Enigme sur énigme, le rationnel n'a plus d'importance: le fantastique gère même la vie. La lecture de ce brillant roman Yoko et les gens du Barzakh de Djamel Mati exige de bout en bout, du lecteur l'amour du livre, et alors quel plaisir il en aura tiré, souligné par cette réflexion «Tellement de choses allaient changer...» et par aussi les tout derniers «murmures» de Juba, soudain plus présent que jamais!... On se souviendra de toutes les étoiles perçues.
(*) Yoko et les gens du Barzakh de Djamel Mati. Chihab Editions, Alger, 2016, 363 pages.


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