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Mémoire de MOMO
COMMEMORATION
Publié dans L'Expression le 06 - 06 - 2005

Huit années déjà nous séparent de l'un des meilleurs enfants de la Casbah, celui qui a chanté avec plus de verve et d'affection dans des poèmes exquis, cette ville-monument qui refuse de périr.
Nous voulons nommer Himoud Brahimi, ou plus précisément Momo de la Casbah, comme il aimait lui-même signer ses hommages reluisants à sa Bahja bien-aimée, à l'adresse de laquelle il déclama avec les accents d'un amoureux épris de passion, des aveux uniques, dans l'inoubliable Tahia y'a Didou de l'inoubliable Mohamed Zinet.
Cependant, l'homme au rire original, est-il encore présent dans nos mémoires? Ou bien encore, sa silhouette hante-t-elle encore les ruelles, les impasses et les interminables escaliers de la prestigieuse cité, la plus belle d'entre les belles, celle pour laquelle palpitait le coeur de Momo et grâce à quoi il exprimait, par ses poèmes, les mille émotions de cette âme qui s'abreuvait aux mamelles de la plus séduisante, de la plus hospitalière des mers: la Méditerranée.
Momo, c'est l'amour des planches qui furent privées cruellement de sublimes figures en la personne de Alloula et de Medjoubi. Momo, c'est l'amour des plateaux qui l'adoptèrent déjà dans les années 1940 au Maroc où il fit ses premiers films. Momo, c'est aussi la littérature et surtout ce fameux Grain de beauté sur la joue de Dieu (Khayyam) qu'est la poésie.
Un personnage original
Une poésie éparpillée çà et là, comme une semence féconde en émotions dans les coeurs et les âmes de ceux qui prennent la peine de le lire. Dans la production poétique de Momo, la Casbah prend une place prépondérante. C'est une cité qui a subjugué le coeur et les sens d'un homme qui vit sa propre spiritualité et qui a osé se lancer, avec comme seul atout la foi, dans l'exploration des textes divins et d'en interpréter quelques extraits ou les paraboles de leur contenu.
Côté spirituel, Momo nous livre un puissant «échantillon» dans l'une de ses méditations intitulée, Identité suprême, publiée en 1958 aux éditions Baconnier à Alger.
Depuis que Momo fut ravi à ce monde, son souvenir, sa mémoire, son itinéraire ne furent évoqués que de rares fois, évocations qui passent souvent inaperçues. Pourtant, le personnage a vécu et provoqué une multitude d'événements, notamment dans le monde culturel et artistique.
Il va sans dire que ceux qui l'ont côtoyé ont toujours quelque chose ou une anecdote à raconter sur lui. De même que ce personnage original, libéré des bassesses et des compromis, mérite bien qu'un jour quelqu'un s'intéresse à sa biographie, oeuvre que l'on versera à notre beau et précieux patrimoine qu'est la Casbah, monument urbain et humain qui exerça sur Momo un véritable envoûtement.
Cette tâche se traduira par la reconstitution de la vie de l'homme, qui en 1948 déjà, a battu le record de la nage sous-marine. Cet exploit est passé sous silence. La presse française ne lui accorda pas tout le fracas qu'il méritait.
Evoquant quelques souvenirs dans un entretien qu'il accorda - en 1986 - à notre ami Abderrahmane Mostefa - photographe cinéaste -, Momo fait état de cet exploit sportif: «Après mon exploit, pendant 24 heures on a fait des flonflons et au bout de 48 heures, tout était fini. On s'était rendu compte que j'était Algérien. C'est-à-dire un homme à abattre. Il fallait absolument qu'il n'y ait pas de record battu par un Algérien».
Cet entretien inédit porta essentiellement sur le théâtre et la première rencontre qui eut lieu en 1957 à Tijdit (Mostaganem) entre Momo et Ould Abderrahmane Kaki, qui était à cette époque encore à ses débuts. Débuts fort prometteurs puisque nous connaissons aujourd'hui la carrière fulgurante de l'enfant terrible des planches. C'est un grand moment dans l'histoire du théâtre puisque Kaki et sa jeune équipe ont présenté Filet aux Algérois conduits par un certain Henri Cordreaux qui était secondé par Momo dans l'éducation théâtrale.
Filet impressionna l'assistance et pour Momo, le jeune Ould Abderrahmane Kaki se lançait dans une véritable révolution dans l'art des planches, contrairement à cette sclérose qui frappait le théâtre bachtarzien. En 1958, la scène politique est dominée par les inconditionnels de l'Algérie française. Momo trouve le bon prétexte pour se séparer des Français animateurs des centres sociaux qui lui refusaient de donner des spectacles aux Algériens en arabe. Sa démission est irrévocable malgré la médiation et la diplomatie de Boudali Safir - alors directeur de Radio Alger - qui ne parviendra pas à faire revenir Momo sur sa décision.
En 1959, Kaki fut invité avec sa troupe pour donner des représentations aux facultés d'Alger. Momo, présent au spectacle, raconte ses souvenirs: «J'ai vu Filet en 1957 en privé chez Kaki à Tijdit. Bien sûr, le spectacle était toujours en préparation mais quand il l'a présenté à Alger, le spectacle était vraiment prêt. Ce fut une découverte sensationnelle. Les Français présents dans la salle ont réagi différemment. Ils ne comprenaient plus. Il ne savait plus ce qui se passait. J'étais le seul à rire dans la salle. J'ai ri abondamment. J'ai un rire qui se remarque. Je me rappelle quand le spectacle fut terminé, ils se sont tous levés. Je ne m'étais pas imaginé que tous ces gens-là se trouvaient à l'intérieur de la salle. C'est-à-dire les instructeurs nationaux qui s'exclamèrent en me découvrant. Je leur ai répondu à propos de Filet de Kaki: tout ce que je souhaitais dans le théâtre algérien, là où j'espérais y parvenir, c'est Kaki qui obtient la couronne et j'en suis heureux. Ce n'est pas moi, tant pis, c'est un autre, tant mieux».
L'aspect spirituel reste encore une face cachée chez Momo. Il restera pour nous un soufi sans «khaloua» ou du moins, il emportait sa khaloua partout où il allait. A notre ami Abderrahmane Mostefa, il confie avec force et sagesse: «Je t'avais dit hier que j'étais ''Khadem Allah''. Et être un ouvrier de Dieu, un ouvrier chez Dieu, ce n'est pas une mince affaire. Parce que quand on est l'ouvrier de Dieu chez Dieu, on ne peut se permettre aucune erreur. On ne peut se permettre aucune faiblesse, parce que le patron est là et surveille ce que l'on fait, ce que l'on dit, ce que l'on pense».
Momo a écrit abondamment. Ecrits poétiques, écrits littéraires, réflexions et autres manifestations de l'esprit face à des situations politiques. Mais le complice de Zinet a toujours déploré la réticence qu'affichaient à son adresse certains éditeurs que le naturel et la franchise de Momo semblaient incommoder ou gêner vis-à-vis des tenants du pouvoir, ou des pouvoirs en place.
Un homme libre
Car Momo s'exprimait en toute liberté. «Je suis un homme libre», lança-t-il un jour à la face de Boudali Safir. C'est-à-dire un homme qui n'a de compte à rendre à personne. D'ailleurs, il l'affirme lui-même, sans ces obstacles qui ligotent la conscience et l'étouffent dans le plus douloureux des dilemmes pour la livrer carrément à la duplicité.
«Personne ne pouvait me reprocher quoi que ce soit. Je pouvais donc parler quand je voulais parler et dire ce que je devais dire. Personne ne pouvait m'imposer ce qu'il fallait dire», dira-t-il sans complaisance. Momo a toujours refusé de quitter la Casbah et ses humbles gens. En 1962, on lui avait offert cette possibilité de vivre dans une maison plus confortable. Il y en avait tellement de ces maisons, abandonnées par les Français d'Algérie quand l'OAS menaça de quitter le pays. Momo opposera un non catégorique à cette offre.
Nous avons cette nette impression que cet homme avait fait voeu de pauvreté comme le font encore aujourd'hui les adeptes de l'hindouisme. La prononciation du voeu étant sacré - pour n'importe lequel des comportements - aucun désir du monde ne viendra alors renverser les renoncements.
Momo n'avait pas de grands besoins et de grands désirs à assouvir. Il se contentait de peu avec le peu qu'il gagnait. Il vivait d'une bien modeste retraite dans une modeste demeure héritée des aïeux.
«Avec cette modeste retraite, dira Momo, ça ne mène pas très loin. Mais nous dormons tranquilles le soir. Nous rêvons le soir. Nous nous aimons le soir». Dans le hasard de nos pérégrinations, nous eûmes le plaisir de rencontrer deux des amis et disciples du poète de la Casbah qui ont eu la chance de le fréquenter pendant plus d'une vingtaine d'années. Il s'agit d'abord du docteur Mohamed Madaci qui nous parle de Momo avec enthousiasme et dévotion. Il conserve avec soin dans son cabinet deux chechias et un chapelet ayant appartenu au regretté Himoud Brahimi. Ce sont de véritables reliques que le docteur se plaît à montrer à tous ceux qui expriment une pensée et une admiration envers celui qui combla la Casbah de jolis poèmes comme un amoureux empressé de combler sa dulcinée de mille bouquets de fleurs et de mille baisers de tendresse, d'amour et d'affection.
Puis l'un nous fait découvrir l'autre. C'est encore avec réconfort que nous avons rencontré cheikh Omar Chalabi qui garde de vifs souvenirs de son aîné et de son maître Momo; ce féru de poésie populaire et admirateur de Sidi Lakhdar Benkhlouf a composé un très beau poème à la mémoire de son ami disparu.
Cheikh Omar Chalabi a eu le mérite d'évoquer la personnalité de Momo sur les ondes de la chaîne El Bahdja. Comme il effectua d'incessantes démarches auprès de la municipalité de la Casbah aux fins d'organiser une rencontre pour évoquer le personnage dans le souci de combattre l'oubli et de faire en sorte que le regretté Himoud Brahimi soit mieux connu, mieux apprécié, mieux redécouvert, mieux gardé dans la mémoire de la Casbah. Que cela soit écrit et mémorisé. Amen.


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