Le Code de la famille reste obscur par - et à travers - certains articles. L'époux divorce, mais ne notifie pas le jugement. Puis, remariage par... Fatiha seule. Il y a dans les salles d'audience d'authentiques perles qui jettent dans une atmosphère dramatique créée par une triste histoire d'un foyer disloqué. La dernière récoltée au tribunal correctionnel de Sidi M'hamed- Alger, concerne un inculpé d'abandon de famille fait prévu et puni par l'article 330 du Code pénal. «Est-ce que vous considérez Nadjia comme votre épouse?» demande calmement Mme la juge qui a failli chuter de son siège à la suite de la réponse: «Non, nous avons divorcé par la seule volonté de la Fatiha» marmonne l'inculpé. «En voilà une réponse. Il n'y a pas de divorce avec de tels procédés. La Fatiha unit les gens plutôt, non?» Répond la présidente de la section correctionnelle du tribunal. Dans la salle, un légitime fou rire éclaire l'ambiance faite de grisaille, des travaux de rénovation entrepris depuis plus d'un an dans la vieille bâtisse de ce qui fut jadis, le Palais de justice d'Alger sis, rue Abane-Ramdane. Certains avocats prennent note de la réponse inédite. L'inculpé perd les pédales et commet un second impair: «J'ai divorcé avec la... bouche» (il voulait simplement dire: «Oralement»). «Vous, là, vous allez permettre au Code de la famille de s'enrichir de nouveaux concepts juridiques. Et si nous abordions l'abandon de famille qui demeure le délit du jour et libérer un peu le rôle?» préconise la magistrate qui apprend par l'intermédiaire des avocats de la partie civile et de la défense, debout à proximité de leurs clients excités et apeurés, et nous ne saurions vous préciser pourquoi. Le divorce a eu certes lieu, mais il n'a jamais été notifié à l'épouse. Ensuite, le couple a repris la vie commune par la grâce de la Fatiha et ce, deux années, après la séparation. Deux enfants étaient pourtant venus égayer le foyer perturbé. L'entêtement du mari à écouter son épouse qui voulait réintégrer le foyer conjugal va lui coûter très cher. On exige 215 millions de centimes à titre de dommages. Le procureur, regrette que le couple, originaire d'une région où la djemââ a toujours été écoutée et suivie, en soit arrivé là. Il demande une peine de prison de 6 mois ferme et 50.000 dinars d'amende. Pour sa part, son adversaire tente de réparer les dégâts commis par son client: «La victime s'est basée sur l'article 331 du Code de procédure pénale, alors que cet article exige que le jugement dispose au notifiant de préciser la pension alimentaire. Or, rien n'est spécifié. C'est une fausse procédure» conclut l'avocat qui avait évoqué le courrier existant entre le couple. «Cela ne prouve pas qu'ils s'étaient retrouvés et ainsi vivre ensemble». Madame la présidente met l'affaire en examen et c'est tout. La montagne a accouché...d'un malentendu à l'algérienne. De toutes les façons, on ne nous a pas affirmé si le couple vit mieux avec un livret de famille ou la seule lecture de la sacrée «Fatiha»! Allez le savoir dans ce méli-mélo!