C'est une constatation évidente, la Tunisie ne parvient pas à sortir de l'ornière de la discorde politicienne. En témoigne la dernière initiative de Slim Riahi, nouvellement allié, avec armes et bagages, à Nidaa Tounes: sa diatribe contre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, accusé, ni plus ni moins, de «complot» contre la stabilité du pays. Dans la foulée, le parti des Caïd Essebsi, père et fils, a diligenté une plainte en bonne et due forme contre ledit Chahed, coupable d'avoir scellé une union fructueuse avec Ennahdha et Rached Ghannouchi, avant même les élections municipales remportées haut la main par le mouvement islamiste. Du coup, non seulement il n'a pas été démis de ses fonctions comme le souhaite ardemment Hafedh Caïd Essebsi, ambitieux patron de Nidaa Tounes, mais il a même réussi à imposer un renouvellement de l'équipe gouvernementale qui fait la part belle aux représentants de Ennahdha! D'où cette plainte et ces accusations dont Youssef Chahed considère qu'elles relèvent de la «mascarade». Ne lui en déplaise, le climat est pourtant de plus en plus morose, puisque la puissante centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), a décrété, hier, une grève générale pour cause d'échec des négociations avec le gouvernement qui refuse les augmentations salariales réclamées dans la fonction publique, grève qui devrait avoir lieu le 17 janvier prochain. Si le débrayage des fonctionnaires, jeudi dernier, n'a pas eu l'impact souhaité, les mauvaises langues tunisiennes s'étant fait une joie d'ironiser au sujet d'«une grève mobilisant des gens qui ne travaillent pratiquement pas, tout au long de l'année», il semble douteux que le gouvernement Chahed cède, ici, ce qu'il a refusé fermement, ailleurs. En outre, n'y a-t-il pas une certaine dose de naïveté dans une telle revendication qui trouve une certaine légitimité dans le fait que le pouvoir d'achat des Tunisiens s'est fortement érodé? Les mécanismes économiques sont là pour dire qu'en l'absence d'une croissance effective, les augmentations de salaires n'ont d'autre effet que d'impacter l'inflation, annihilant, en l'espèce, les buts initialement recherchés. Ce qui justifie donc la position du chef du gouvernement et son refus opiniâtre de céder aux «pressions» de ce qu'il considère non pas comme des syndicalistes pragmatiques, mais comme des adversaires politiques. Et sur ce plan, on ne peut pas dire qu'il ait forcément tort, puisque l'Ugtt s'est constamment imposée comme une partie prenante incontournable dans le jeu politique, aussi bien lors de l'accord de Carthage qu'au moment d'enjeux électoraux déterminants.