Exilé au Canada depuis plusieurs années, l'ancien arbitre fédéral, Mohamed Meddane, suit de très près l'actualité du football algérien, plus particulièrement celle de l'homme en noir. Pour lui, la situation actuelle du sport roi en Algérie est en nette régression. La faute, selon lui, revient au fait que nul n'est à sa place, que cela soit au niveau des clubs ou d'autres instances. L'Expression: Que devient Mohamed Meddane? Mohamed Meddane: Cela fait plus d'une quinzaine d'années que je ne suis plus en Algérie, je vis à Montréal, au Canada. Ce ne fut pas une fuite en avant, mais plusieurs raisons m'ont poussé à prendre, à contrecoeur, cette décision du moment qu'il n'est jamais évident de vivre loin de la terre de ses ancêtres. Cependant, et avec l'avènement des nouvelles technologies, je suis de très près l'actualité de mon pays, notamment sportive. Peut-on tracer un petit bilan de ce qui s'est passé dernièrement avec cette guerre médiatique entre différents responsables? C'est navrant de voir ces prétendus responsables s'adonner à de telles pratiques. Savent-ils que cela incite les jeunes à la violence et, de facto, à des blessés et même morts d'hommes. Chacun prétend défendre les intérêts de l'instance ou club qu'il gère, mais force est de constater que c'est l'intérêt personnel qui prime au détriment de tout autre chose. Nous ne sommes pas dans une jungle, mais dans un pays où il y a une constitution à respecter et surtout à appliquer sur tout le monde. Après les appels au calme et à la retenue, lesquels n'ont, finalement, rien apporté, il faut passer à la vitesse supérieure et prononcer des sanctions, sportives ou même pénales contre ces responsables de pacotille. Qu'est-ce qui a changé, selon vous, par rapport à votre époque? Je vais vous citer un exemple édifiant qui va tout vous résumer. En 1987, j'ai été appelé à arbitrer un match à très gros enjeux, lorsque la JS Bordj Ménaïel recevait la JS Kabylie, dans un stade plein comme un oeuf. Avant le coup d'envoi, les deux mythiques présidents, les regrettés Ali Tahanouti et Boussaâd Benkaci, sont rentrés côte à côte et ont fait le tour du stade pour saluer, ensemble, les supporters. Ils ont donné l'exemple de fair-play et le match était une grande fête de football. Ce fut l'un des meilleurs matchs que j'ai arbitrés. La comparaison avec ce qui se passe actuellement n'a pas lieu d'être. Navré de dire que le football algérien est pris actuellement en otage par des voyous et des intrus. L'arbitrage connaît lui aussi une dégringolade ces dernières années. Cela est dû à quoi d'après vous? C'est le même constat qui se fait avec la gestion du football d'une manière générale. Qui gère actuellement la Commission fédérale d'arbitrage (CFA)? Un certain Mohamed Ghouti, qui, en réalité, n'a aucun lien avec l'arbitrage. Personne n'est arrivé à saisir la portée de la surprenante décision de mettre les bâtons dans les roues à Messaoud Koussa, ex-arbitre international, pour mettre à sa place un intrus, en la personne de Ghouti, avec tout le respect que je lui dois. Pis encore, on intronise un très controversé ancien arbitre, à savoir Mokhtar Amalou, dans la commission de désignation des arbitres. Ce que nous constatons aujourd'hui n'est que la résultante de ces deux décisions irréfléchies et permettez-moi de soulever un autre point très important. Allez-y... Je ne comprends pas la teneur de publier sur le site de la FAF ou de la LFP, la liste des arbitres sanctionnés ou de les donner aux médias. Un arbitre peut commettre des erreurs dans un match, il est, avant tout, un être humain. Il peut s'agir d'une erreur d'appréciation comme il peut s'agir d'un cas de corruption. Dans le premier cas, à quoi va servir la publication de son nom? Cela va-t-il l'aider à se ressaisir et ne plus commettre les mêmes erreurs? Pas évident. Quant au second cas, s'il y a des preuves de sa corruption, il faut saisir la justice. A notre époque, les décisions étaient prises en interne et y restaient. Il n'y avait pas de mise au frigo, mais une rétrogradation de l'arbitre pour qu'il aille arbitrer des matchs de division régionale. Vous imaginez-vous un arbitre qui officie, cette semaine, un match du CRB, de la JSK, du MCA ou du MCO, à titre d'exemple, se retrouver la semaine d'après en train d'arbitrer un match de division régionale? Cela va secouer ces arbitres pour ne plus commettre ces erreurs et permettre, ainsi, à l'arbitrage d'évoluer. Pour qu'un arbitre réussisse, outre le fait de connaître les lois du jeu à la rigueur, il doit avoir une personnalité qui lui permette de s'imposer dans ses matchs et les gérer comme il le faut. Les arbitres sont-ils devenus un bouc émissaire, derrière lequel on se cache pour justifier les échecs? Dans la plupart des cas, oui! Mais il y a parfois des erreurs d'arbitrage flagrantes, ainsi qu'une ignorance des joueurs des lois du jeu. Là, j'ouvre une parenthèse concernant les séances qui doivent être organisées pour mettre à jour les joueurs concernant ces lois du jeu, comme cela se faisait à l'époque. Il faudra prévoir cela chez les jeunes et chez les séniors, pour éviter, plus tard, qu'il y ait des contestations à tort ou à raison. Ces contestations sont aussi, dans la majorité des cas, une des raisons qui mènent vers la violence. Qu'avez-vous à dire à propos de la polémique suscitée par l'arbitrage de Abid Charef en finale de la Champions League et sa suspension? Soyons objectifs! Il a fauté et il a payé, point barre. Il était bien positionné pour voir très clair sur ces actions sans recourir à la VAR. Il n'a qu'à assumer. Cela ne diminue nullement de ses qualités lui, qui est considéré comme l'un des meilleurs arbitres du continent. Personnellement, je suis contre l'utilisation de la VAR puisque l'arbitre doit décider de son instinct. Le mot de la fin... Je veux lancer un appel à certains plateaux de télévision que j'appelle «plateaux de la honte». Qu'ils arrêtent de parler pour ne rien dire! Qu'ils apportent des solutions pour faire avancer les choses au lieu de verser de l'huile sur le feu. On doit parler football sans verser dans la polémique et toucher à la vie privée des gens. Certains anciens joueurs sur les plateaux sont-ils saints? Permettez-moi de vous dire qu'ils sont vraiment mal placés pour parler et donner des leçons. Je les connais assez bien. Dans le but de réhabiliter l'arbitrage algérien L'ANAF est née Réhabiliter l'arbitrage algérien à travers des actions d'encadrement, de formation et de soutien aux actuels et anciens referees, telle est la mission que a été définie par l'Association nationale des arbitres de football (ANAF), selon les responsables de cette naissante association. Ayant obtenu, il y a trois jours seulement, son agrément, l'ANAF a tenu sa première réunion officielle jeudi à Oran pour mettre en place son plan d'action. «La création de notre association remonte à février 2017. A présent qu'on a obtenu notre agrément des services compétents, nous allons entrer en scène rapidement. Cette première réunion tenue à Oran se veut d'ailleurs notre point de départ effectif dans l'optique de réaliser les objectifs tracés», a déclaré Bléa, vice-président de l'ANAF. La création de l'ANAF intervient dans un contexte particulier que connaît l'arbitrage algérien, souvent pointé du doigt comme étant l'un des maux rongeant le sport roi dans le pays, une réalité que les membres de l'association en question, composés d'anciens arbitres en retraite, toutes générations confondues, ne nient pas. Cette réunion a été présidée par Bléa, en l'absence du président de l'association, Zaidi Roumane, endeuillé par le décès de son frère Saïd, également ancien arbitre international, qui a rendu l'âme la veille.