Décès de l'ancien membre du CN Pr Rachid Bougherbal : Nasri présente ses condoléances    Décès de l'ancien membre du Conseil de la nation Pr Rachid Bougherbal : le président de la République présente ses condoléances    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'élève à 63.371 martyrs    La majorité des feux de forêt déclarés récemment dans plusieurs wilayas du pays maîtrisés    Début à Alger des travaux de l'université d'été des associations à caractère culturel    Protection civile : évacuation aérienne de deux enfants suite à une explosion de gaz à Ouargla    Relizane: lâcher de 300 perdrix locales dans les forêts de la wilaya    IATF 2025 : les start-up au cœur de la transformation économique du continent    Lancement du Festival culturel et artistique "L'été de Mascara"    La Palestine exprime "un profond regret" après la décision des Etats-Unis de refuser des visas pour les responsables palestiniens    Des programmes de sensibilisation pour rationaliser la consommation d'eau potable:    Une délégation de l'APN visite le Congrès de la République du Guatemala    L'Algérie préside une réunion sur le renforcement des consultations entre le CPS de l'UA et le Groupe africain A3+    La Turquie rompt ses relations commerciales avec l'entité sioniste et ferme son espace aérien à ses avions    Le Sénégal bat le Soudan aux tirs au but et prend la 3e place    MB Rouissat, ont pris seuls provisoirement les commandes du championnat    De simples gestes pour la préservation de cette ressource précieuse    Saïd Chanegriha reçoit en audience le Chef d'Etat-major des Forces terrestres indiennes    Vladimir Petkovic face aux médias La communication avec et entre joueurs, l'incontournable option de réussite    Des stratégies d'adaptation et le retour à la confiance    Algérie Poste met en garde contre des tentatives d'hameçonnage ciblant ses clients    Et la Résistance, dernier rempart    Neuf personnes impliquées dans une vaste affaire de blanchiment d'argent en détention préventive    Hadj 1447-2026 Annonce de la liste préliminaire des agences de tourisme et de voyages habilitées    Drame en mer : noyade de deux jeunes à Ténès    Plus de 500 employés de l'ONU pressent leur institution de qualifier la guerre à Ghaza de génocide    Le président de la République met fin aux fonctions de Nadir Larbaoui et nomme Sifi Ghrieb Premier ministre par intérim    La pièce ''Un élève studieux en vacances'' en ouverture    Vont-ils envahir l'industrie de la mode ?    Foot/ Ligue 1 Mobilis : l'O. Akbou et le MB Rouissat co-leaders    Sommet mondial de la jeunesse 2025: Hidaoui rencontre le président du Forum de la jeunesse de l'OCI    Programme du mercredi 27 août 2025    Foot (décès d'Issaâd Dohmar) : le président de la FIFA rend hommage à l'ancien président de la FAF    Foot/Mondial-2026 (Qualif's): Petkovic dévoile une liste de 26 joueurs    Guelma: la pièce "un élève studieux en vacances" ouvre le festival des loisirs et du divertissement    M. Rebiga rend visite au moudjahid Rabah Zerari dit Commandant Azzedine pour s'enquérir de son état de santé    D'importantes décisions dans le secteur des Transports à l'issue d'une réunion présidée par le président de la République    La Fifa organise un séminaire à Alger    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Qui veut intimider nos femmes?
Manifestations pour une Algérie nouvelle
Publié dans L'Expression le 06 - 04 - 2019

Philosophe, islamologue, Razika Adnani, revient dans cette tribune sur cet incident d'agression portée contre des femmes qui manifestaient à Alger. Elle soulève une question brûlante en sa qualité de membre du Conseil d'orientation de la Fondation de l'Islam de France, membre du conseil scientifique du CERF (Centre d'Etude du Fait Religieux), membre du groupe d'analyse de JFConseil et présidente fondatrice des Journées internationales de philosophie d'Alger. Elle a contribué aux travaux du séminaire «Laïcité et fondamentalismes» organisés par le Collège des Bernardins. Elle a écrit deux manuels de philosophie en 2001 et 2003, Le blocage de la raison dans la pensée musulmane (en arabe) aux éditions Afrique Orient, La nécessaire-réconciliation, une réflexion sur la violence, paru en 2014 aux éditions UPblisher, et Islam: quel problème? Les défis de la réforme paru en 2017 aux éditions UPblisher (France) et en 2018 aux éditions Afrique Orient (Maroc).
À Alger, lors des grandes manifestations du vendredi des femmes ont été agressées et leurs banderoles ont été arrachées. Elles ont été agressées parce qu'elles étaient des femmes et parce qu'elles militaient pour l'égalité homme-femme. C'est moche, c'est horrible et c'est d'autant plus insupportable que les Algériens manifestaient pour la liberté, la justice et l'égalité; pour l'Algérie nouvelle. Cette horrible agression a terni les belles images des manifestations qui ont fait que le monde entier a regardé l'Algérie avec admiration. Les voix de ces femmes agressées nous ont renvoyés à l'Algérie archaïque, l'Algérie de la hogra, l'Algérie des discriminations. Elles nous ont réveillés de nos beaux rêves et elles nous ont mis brutalement face à nos contradictions. Ce qui est encore plus moche, plus horrible et plus insupportable est le fait que certains essayent de justifier cette agression et de la rendre acceptable. Pour eux, parce que «ce n'est pas le moment» et parce que réclamer l'égalité homme-femme serait gênant pour la «révolution en marche». En quoi dénoncer le Code de la famille humiliant et discriminatoire pour la femme serait-il un obstacle pour se libérer d'un pouvoir despotique? A vrai dire, la justification, «ce n'est pas le moment», nous renvoie à une réalité sordide: nous sommes une société qui n'est pas encore prête pour l'égalité homme-femme et nous avons peur qu'aborder cette question ne réveille les démons qui sont en nous et nous divisent. Cependant, cette crainte n'est-elle pas suffisante pour commettre des actes de violence ou les justifier? Justifier la violence, c'est l'accepter. N'est pas moche seulement celui qui commet la violence, mais aussi celui qui l'accepte. Le slogan «silmia ou pacifique» ne doit pas être scandé uniquement par peur de voir l'Algérie sombrer dans la violence et de voir le terrorisme revenir. Il doit être un principe qui guide notre conduite quelle que soit la situation. Celui qui n'est pas violent uniquement par peur n'est pas pacifique, tout comme celui qui ne vole pas parce qu'il a peur de se faire attraper n'est pas une personne intègre. L'égalité, la justice et la liberté ne sont pas des concepts qu'on prend à moitié, qu'on taille selon ses désirs et ses intérêts personnels. Soit on y croit et toute discrimination, toute oppression et toute inégalité nous révoltent, soit on n'y croit pas. Ne réclamer la liberté, l'égalité et la justice que pour soi et les rejeter pour les autres s'appelle de l'égoïsme et les personnes qui le font, en profitant des moments de révolte, sont des opportunistes qui, lorsqu'ils arrivent au pouvoir, deviennent plus odieux que ceux contre qui ils se sont révoltés. La maturité du peule algérien ne serait qu'une façade si les Algériens continuaient à accepter que la femme soit agressée. Sa liberté et sa dignité ne seraient qu'une illusion si la femme, la moitié de la population, en était privée. La modernité d'un pays se mesure à sa capacité de garantir à la femme sa sécurité, tout autant qu'à l'homme. «Violence et modernité sont contradictoires. S'il y a violence, il y a échec de la modernité qui est avant tout un comportement où le respect de l'autre, dans son sens le plus large, est garanti»1. Celui qui opprime la femme, ou l'agresse, le fait car il pense qu'elle est plus faible que lui. Ses relations avec l'Autre répondent à l'instinct de domination. Ne connaissant pas le sens de la dignité humaine, il ne se gênera pas à opprimer également l'homme et à l'agresser dès lors qu'il se sentira plus fort que lui. Parce que l'existence de l'homme est liée à celle de la femme, dans une société où la femme est opprimée et sa dignité bafouiée, l'homme ne pourra jamais être libre et sa dignité sera toujours offensée. Pourtant, certains non seulement justifient cette agression, mais jugent aussi que les revendications de ces femmes vont à contre-courant de la religion et des traditions. Ils ont donc tranché: la liberté de s'exprimer est un délit et l'égalité homme-femme une chose impensable. L'honnêteté oblige de préciser qu'il s'agit de la religion telle qu'ils la conçoivent et en fonction de la relation qu'ils entretiennent avec les textes, une religion prise en otage par la sacralisation des traditions. Dans les normes traditionnelles, c'est le principe de l'obéissance qui règlemente les relations entre individus: celle de la femme à l'homme, celle des jeunes à leurs aînés et celle du peuple au pouvoir. L'obéissance «s'oppose non seulement à la liberté, mais aussi à l'égalité, puisque celui qui obéit n'a pas les mêmes droits que celui à qui il doit obéissance, c'est-à-dire à celui qui a l'autorité 2». En 1962, les Algériens ont choisi, pour construire la nouvelle Algérie, les traditions au détriment des principes de la modernité. Alors qu'ils se sont battus pour la liberté et l'égalité, ils ont fait d'elles, une fois l'indépendance obtenue, des belles indésirables qu'il fallait écarter. Ils les ont refusées pour la femme et pour les minorités. «La liberté pour laquelle ils s'étaient battus, avait un sens bien défini: la libération du colonialisme. En dehors de ce sens, ils ne lui en connaissaient aucun autre 3». Ainsi ont-ils fait avorter leur projet de construire une Algérie moderne. Si les Algériens ne veulent pas rater leur rendez-vous avec l'Histoire, s'ils veulent en finir avec l'absurdité humaine et sortir de la médiocrité sociale, ils doivent éviter, 57 ans après, de suivre le même chemin et de refaire les mêmes erreurs. L'égalité, la justice et la liberté, pour lesquelles ils sont sortis manifester, ne doivent pas avoir un seul sens:«Lutter contre le pouvoir.» Les femmes agressées vendredi dernier manifestaient contre le Code de la famille rétrograde et humiliant pour la femme algérienne. Un code, faisant partie de l'histoire de l'Algérie de l'injustice, des discriminations et de la hogra, qui dure depuis l'indépendance. Lutter contre ce code s'inscrit dans cette lutte des Algériens et des Algériennes pour leur liberté et leur dignité. Aucune Algérie moderne ne sera possible si ce code n'est pas aboli, si l'égalité homme-femme devant la loi n'est pas un principe, c'est-à-dire quelque chose d'indiscutable. C'est pour cela que dénoncer ce code doit être la cause de tous les Algériens. R.A
1. Razika Adnani: La nécessaire réconciliation, UPblisher deuxième édition,p. 47.
3. Ibid.P.44.
2. Ibid.P.43.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.