Les forces de sécurité au Liban ont rouvert, hier, plusieurs routes bloquées par les manifestants au lendemain d'attaques de partisans des mouvements chiites, Hezbollah et Amal, contre les contestataires qui réclament depuis le 17 octobre le départ d'une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente. Le soulèvement inédit qui secoue le Liban marque, hier, son quarantième jour, sans aucune issue en vue à la crise dans un pays au bord de l'effondrement économique alors que la formation d'un nouveau gouvernement se fait attendre. Ces dernières semaines, la mobilisation est restée largement pacifique même si des accrochages sporadiques ont déjà opposé les manifestants aux partisans d'Amal et du Hezbollah. Toutefois, les heurts qui ont secoué le centre de Beyrouth jusqu'à tard dans la nuit sont inédits de par leur ampleur. Dix personnes ont été blessées dans les violences selon la défense civile. Hier matin, la mobilisation était timide malgré un appel de la contestation à une grève générale. «Ils veulent nous faire peur pour nous empêcher de continuer», lâche Danny Ayyache, qui bloquait lundi avec des dizaines de contestataires une entrée du quartier central de Hamra à Beyrouth. «Cela ne fait que renforcer notre détermination», promet-il. Lui et ses camarades, assis sur la chaussées pour barrer la route, ont été finalement dispersés par la police. Peu avant minuit, à pied ou à moto et scandant des slogans à la gloire du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ou du président du Parlement, Nabih Berri, à la tête du parti Amal, des partisans des deux formations chiites ont caillassé des contestataires bloquant le pont Ring, surplombant le centre-ville, épicentre de la contestation à Beyrouth. Ils ont ensuite investi l'emblématique place des Martyrs située tout près, et détruit des tentes dressées par les manifestants. Des vitrines de boutiques ont été brisées ainsi que des vitres de voitures. L'armée et la police se sont déployées pour séparer les deux camps. Des gaz lacrymogènes ont été tirés et le calme est revenu peu avant l'aube. Les télévisions locales ont diffusé en temps réel les images des heurts nocturnes. Les deux partis chiites, poids lourds de la vie politique, observent un mutisme total et n'ont publié aucun communiqué sur les heurts. Des contestataires ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme étant un manque de réactivité de la part des forces de sécurité face aux agressions des partisans des partis chiites. Neuf personnes ont été interpellées, hier matin, dans la banlieue de Jal al-Dib au nord de Beyrouth, après que «des routes ont été bloquées avec du verre brisé, de l'huile de voiture et du mazout» renversé sur l'asphalte, selon un communiqué de l'armée. Les contestataires ont notamment entravé des routes dans la grande ville du nord Tripoli où des pneus ont été incendiés, ou dans la région de la Bekaa (Est). Dans un pays habitué aux tractations politiques interminables, les contestataires attendent toujours la formation d'un nouveau gouvernement, après la démission du Premier ministre Saad Hariri le 29 octobre. Les manifestants réclament une équipe de technocrates, qui ne seraient pas issus du sérail politique traditionnel. Le président Michel Aoun s'était dit par le passé ouvert à un cabinet incluant des représentants de la contestation. Il n'a toujours pas lancé les consultations parlementaires requises par la Constitution pour pouvoir nommer un Premier ministre. Washington et Paris ont appelé à accélérer la formation du gouvernement, dans un pays touché par le marasme économique et où la Banque mondiale prévoit une croissance négative de 0,2% pour 2019.