Dernière ligne droite pour la Nouvelle-Calédonie, territoire stratégique de 270.000 habitants dans le Pacifique, qui doit décider demain, lors d'un deuxième référendum d'autodétermination si elle reste française ou choisit l'indépendance. Dans cet archipel à 18.000 kilomètres de Paris, français depuis 1853, un premier scrutin a vu le 4 novembre 2018 les pro-français l'emporter par 56,7% des voix. Près de 180.000 électeurs du territoire, qui dispose d'importantes réserves de nickel, devront à nouveau dire s'ils veulent «que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante». Ce référendum, comme le premier, s'inscrit dans un processus de décolonisation entamé en 1988 après plusieurs années de violences entre les Kanak, peuple premier, et les Caldoches, d'origine européenne. Ces affrontements avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts). Les accords de Matignon, signés en juin 1988 par l'indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou et le loyaliste Jacques Lafleur, consolidés dix ans plus tard par l'accord de Nouméa, ont institué un rééquilibrage économique et géographique en faveur des Kanaks et un partage du pouvoir politique, même si les inégalités sociales restent importantes. La consultation, dont le résultat sera connu demain soir (dimanche matin en France), se déroulera sans mesure barrière ni masque, puisque l'archipel est exempt de Covid-19, grâce à une réduction drastique des vols internationaux et une quarantaine obligatoire pour tout arrivant. «Le virus, on n'y pense même plus. Les gens sont plus inquiets des résultats du référendum que du Covid», raconte Hugues Bourgeois, médecin généraliste. A quelques jours du scrutin, des partisans d'une Nouvelle-Calédonie française ont défilé à plusieurs reprises dans Nouméa, en cortège de voitures, agitant des drapeaux tricolores. Les militants de l'indépendance ont aussi manifesté, en voiture, à pied ou en bateaux, avec des drapeaux kanak. Jeudi, lors des derniers meetings, les indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) ont appelé à un oui «pour la dignité», les Loyalistes (front de six partis non indépendantistes) à un «non» au «chaos». «Que le oui ou le non l'emporte», Viannick, 46 ans, se veut «sereine». «Ici à Koumac (Nord), on a toujours vécu tous ensemble». Mais elle trouve que «ce référendum est une catastrophe. Chaque camp passe son temps à critiquer l'autre. Ils sont en train d'attiser la haine.»Alors que le premier scrutin avait été salué par tous, la nouvelle consultation a été marquée par des polémiques, notamment sur le corps électoral, la date du référendum, les inscriptions dans les bureaux de vote décentralisés...Aucun sondage n'a été réalisé mais les observateurs jugent une victoire du «oui» peu probable. «La majorité ne changera pas», prédit le président du gouvernement calédonien Thierry Santa (loyaliste), «tout le monde sait qu'il n'y aura pas de basculement dimanche. Toute la question sera de connaître l'ampleur de l'écart» entre les deux camps. Cet écart (18.000 voix en 2018) pourrait se resserrer. «Il y a des endroits où on peut encore aller chercher des abstentionnistes (33.000)», notamment «aux Iles Loyauté», très favorables au camp indépendantiste, selon le docteur en géopolitique Pierre-Christophe Pantz. Tenu à l' «impartialité», le président Emmanuel Macron ne s'exprimera qu'au lendemain du référendum. En 2018, il avait souligné que «la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie». Le Premier ministre Jean Castex a indiqué qu'il réunirait «les acteurs politiques calédoniens au lendemain» de la consultation. Selon l'accord de Nouméa, en cas de victoire du «non», un troisième référendum est possible d'ici à 2022. Une option que refusent déjà les loyalistes.