Les Etats-Unis ont formellement retiré, hier, le Soudan de leur liste des pays soutenant le terrorisme, moins deux mois après que ce pays arabe a accepté de normaliser les relations avec Israël. Les autorités soudanaises, en place depuis 2019 après la révolte qui a chassé du pouvoir le président islamiste Omar el-Béchir, ont salué cette décision qui met fin à l'isolement de leur pays depuis près de trois décennies et suscite l'espoir d'une sortie de la grave crise économique dans laquelle il est plongé. Le 23 octobre, le président américain Donald Trump avait coup sur coup annoncé son intention de retirer le Soudan de la liste des Etats soutenant le terrorisme et l'accord du Soudan de normaliser ses relations avec Israël. «La période de notification au Congrès américain de 45 jours ayant expiré, le secrétaire d'Etat a signé une notification annulant la désignation du Soudan comme un Etat soutenant le terrorisme. La mesure est effective à compter de ce 14 décembre, date à laquelle elle sera inscrite au Journal officiel», a indiqué l'ambassade des Etats-Unis à Khartoum sur sa page Facebook. Les Etats-Unis avaient imposé en 1993 ces sanctions après avoir accusé Omar el-Béchir d'entretenir des relations avec des «organisations terroristes» notamment le réseau Al-Qaïda, dont le chef Oussama ben Laden, avait séjourné dans ce pays dans les années 1990. Tant attendu par Khartoum, le retrait de la liste noire devrait offrir une bouffée d'oxygène à l'économie de ce pays décimée par les sanctions américaines, la mauvaise gestion et les conflits armés sous Béchir, l'ex-général aujourd'hui en prison. L'inflation dépasse les 200%, et le pays souffre d'une pénurie chronique de devises fortes qui entraîne de longues files d'attente pour l'achat d'aliments de base comme le pain, le carburant. Les coupures d'électricité durent au moins six heures par jour. Sans oublier la crise sanitaire liée à la maladie de Covid-19. L'inscription sur la liste noire empêchait les pays étrangers de commercer et d'investir au Soudan.«Félicitations au peuple soudanais»!, a tweeté le président du Conseil de souveraineté, la plus haute instance exécutive au Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhane. «C'est une tâche qui a été accomplie par les Soudanais dans l'esprit de la révolution». «Après deux décennies, j'annonce à notre peuple que notre patrie a été retirée de la liste» noire américaine, et que «l'embargo international auquel elle a été soumise en raison du comportement du régime précédent» a été levé, a écrit sur page Facebook le Premier ministre Abdallah Hamdok. «Nous sommes de retour au sein de la communauté internationale (...). Cela va aider le gouvernement transitoire à favoriser l'investissement et le transfert d'argent et les jeunes à trouver du travail.» En octobre, les autorités soudanaises avaient nié tout «chantage» en acceptant, sous la pression américaine, d'établir des liens avec Israël. Le Soudan était le troisième pays arabe en moins de trois mois à annoncer un accord de normalisation avec Israël, après les Emirats arabes unis et Bahreïn. D'ailleurs, ce n'est qu'après l'accord soudanais à cette normalisation que M. Trump a effectivement notifié au Congrès américain le retrait du Soudan de la liste noire. Khartoum attend cependant toujours d'obtenir l'immunité légale dans des affaires liées à des attentats passés, qui nécessite une loi au coeur des tractations au Congrès. Or là-dessus, les négociations entre l'administration Trump et le Congrès coincent. Cette décision s'inscrit dans un accord qui prévoit le versement par le Soudan de 335 millions de dollars de dédommagements aux familles des victimes des attentats perpétrés en 1998 par Al-Qaïda contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie (plus de 200 morts), au motif que les autorités soudanaises de l'époque avaient hébergé auparavant Oussama ben Laden. Le Soudan a récemment exprimé son impatience, déplorant que certains «engagements politiques et économiques» n'aient «pas été respectés» par Washington. Il a prévenu que ce blocage pourrait «retarder l'application de l'accord» de normalisation avec Israël. Les Etats-Unis ont renoué avec Khartoum sous l'ex-président démocrate Barack Obama, quand Omar el-Béchir a commencé à coopérer dans la lutte antiterroriste et à contribuer à la paix au Sud-Soudan. La révolte populaire qui a balayé M. Béchir en avril 2019 n'a fait qu'accélérer le mouvement.