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«On est des combattants de la fraternité»
MEHDI LALLAOUI (REALISATEUR), À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 07 - 06 - 2006

«L'histoire entre l'Algérie et la France n'est pas seulement une histoire de guerre. Il y a une histoire d'amour derrière.»
Il est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment La colline aux oliviers. -Paris: Ed. Alternatives, 1998, Kabyles du Pacifique, Bezons, Au nom de la mémoire, 1994 «Algériens du Pacifique: les déportés de Nouvelle-Calédonie», Alger: Zyriab, 2001, «Une nuit d'octobre», roman, sorti en 2001. Il y a dix ans, Mehdi Lallaoui réalise le 1er film montré en Europe sur l'autre 8 mai 1945. Ce film fut diffusé malgré les tombereaux d'insultes et de protestations des nostalgiques de «feu l'Empire français» et de la «pacification en Algérie», que l'on retrouve dans les hospices du Front National. A confié le réalisateur l'an dernier. Il a par ailleurs, réalisé trois films: D'ici et d'ailleurs, Du pain et de la liberté et Etrénage étrangers. Cette année, aux rencontres cinématographiques de Béjaïa qui se sont tenues du 28 mai au 2 juin, il a présenté en avant-première un documentaire presque testamentaire, intitulé: «Jacques Charby, porteur d'espoir». Il nous parle ici de ce grand militant anticolonialiste que fut Charby et du regard qu' il porte sur l'avenir des relations entre l'Algérie et la France...
L'Expression: Ce soir, on vient d'assister à l'avant-première de votre film en hommage à Jacques Charby en l'honneur de sa mémoire. Un mot sur cette soirée marquée par beaucoup d'émotion.
Mehdi Lallaoui: Cette soirée est un hommage à Jacques Charby qui était ce qu'on appelle un «porteur de valise», même si lui n'aimait pas ce terme et préférait celui de «porteur d'espoir». Ce sont ces hommes et femmes en France qui se sont mis du côté des Algériens parce qu'ils étaient anticolonialistes et antiracistes. Ils ne se sont pas mis du côté des Algériens en pétitionnant comme des intellectuels, ce qui leur a valu pour beaucoup l'opprobre de la société française et pour beaucoup aussi la prison.
Ce soir donc, c'était l'avant-première du film Jacques Charby, porteur d'espoir. Je l'ai fini il y quelques jours, je l'avais promis pour le Festival de Béjaïa parce que ses organisateurs font des choses fantastiques du point de vue de la mémoire, des choses citoyennes. Comme vous avez pu le voir, il y a eu une très bonne réaction du public, avec des questions sur la mémoire, sur l'histoire, sur comment on fait des films, pourquoi il faut les faire, quel regard peut-on porter sur les mémoires officielles...
Justement, ce film-là est un témoignage vivant qui correspond tout à fait au thème central de cette 4e édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa. Un film qui retrace ce passé colonial ou ce rapport entre l'Algérie et la France par le biais de ce réseau Janson, un élément très révélateur de cette mémoire commune.
Beaucoup de gens, autant en France qu'en Algérie, ne connaissent pas ou très peu le réseau Janson pour la bonne raison qu'ici et là-bas, on ne s'y est pas intéressé. Il faut attendre 40 ans et la mort de Jacques pour qu'on puisse aborder de nouveau cette question. En réalité, il y a un film qui a été fait qui s'appelait Frères des frères, il y a 10 ans en France, qui traitait des porteurs de valises. Mais là, c'était plutôt le portrait de Jacques Charby, son engagement et le pourquoi de son engagement. De l'enfance donc jusqu'à sa mort.
Vous qui avez bien connu Jacques Charby. Pourriez-vous nous en parler, pour ceux notamment qui ne le connaissent pas.
Jacques Charby était un grand comédien qui est mort à 76 ans, il y a quelques mois en janvier 2006. Enfant, il était de famille juive, qui, toute sa famille a été déportée et exterminée. Lui, à 70 ans, a dû porter l'étoile jaune. Sa mère s'est suicidée parce qu'elle avait été convoquée à la Gestapo.
A 7 ans, il a connu le racisme. Il a dû fuir et donc, quand il y a eu la guerre d'Algérie, il se trouvait en France. Il était très connu, très célèbre. Il a mis en péril sa carrière parce qu'il s'est mis du côté des Algériens pour transporter des armes, de l'argent et faire un certain nombre de choses qui étaient considérées comme illégales. Il s'est trouvé en prison à cette occasion. Il s'est échappé de France.
Il s'est réfugié à Tunis et jusqu'à l'indépendance, il s'est beaucoup occupé des orphelins de guerre, le long de la frontière. Il a adopté un garçon qui s'appelait Mustapha dont la famille avait été massacrée par les parachutistes. Lui-même, à l'âge de 7 ans, a été torturé. Jacques Charby l'a adopté, en restant en Algérie de 1962 à 1966. En 1966, il est revenu en France amnistié. Il a adopté ce petit garçon qui avait été torturé par les parachutistes français. Il a refait sa carrière de comédien mais on lui a fermé beaucoup de portes que ce soit au théâtre ou à la télévision.
Djamel Allem avait déclaré que Jacques Charby n'était pas très connu y compris en France. Pensez-vous que cela est dû à cette plaie qui est encore ouverte entre l'Algérie et la France et empêcherait de reconnaître certaines vérités qui feraient «taches»?
Je ne sais pas si c'est dû à une plaie encore ouverte. Je pense qu'il a fallu attendre 40 ans pour qu'on parle de guerre d'Algérie. En France, les gens ne veulent pas en parler d'ailleurs, tous les appelés qui sont venus n'ont pas parlé de ça à leurs enfants. C'est aujourd'hui que leurs enfants s'en vont qu'ils veulent savoir ce qui s'est passé. Le rôle du réseau Janson et de Jacques Charby ne sont donc pas connus. Parce qu'en 40 ans, il y a eu une chappe de plomb sur ce qu'on n'appelait pas la guerre d'Algérie mais les événements d'Algérie. C'est maintenant qu'en sorte, grâce à des jeunes historiens en France, je pense à Linda Amélie, à Sylvie Ténau, etc. que resurgissent toutes ces histoires occultées de la guerre d'Algérie. Je crois que Charby était un juste.
Comme tous les justes, il sera reconnu plus tard, parce que les gens vont s'interroger sur le pourquoi et le comment des choses. Il y a trop de personnes en France qui ont été impliquées qui seront encore en vie après la guerre d'Algérie.
Il y a les appelés, les pieds- noirs, les harkis, l'émigration algérienne et les descendants. Il y a énormément de gens qui seront impliqués de près ou de loin par la guerre d'Algérie. Donc, il n'est pas possible que cela ne revienne pas au-devant de la préoccupation de l'histoire.
En tout cas, aujourd'hui on parle enfin de torture, de réhabilitation de l'histoire. Les conflits entre l'Algérie et la France sont encore à l'ordre du jour, remettant sérieusement en cause ce traité d'amitié devant être signé entre les deux pays. Quel regard portez-vous sur cette «histoire» actuelle par rapport à ce passé que d'aucuns jugent mal écrit en faisant référence à la loi sur la colonisation positive?
Justement, il faut écrire ce passé. Un passé qui n'est pas écrit est un passé qui ne passe pas de toute façon. Il faut absolument l'écrire. Il ne faut pas le laisser aux Etats souverains de l'écrire. Il ne faut pas écrire des histoires officielles.
D'un côté, il s'est passé une guerre glorieuse pour le FLN et d'un autre côté, il ne s'est rien passé du tout. Il faut que les historiens, de façon indépendante, puissent écrire cette histoire et puissent la donner en partage aux deux peuples des deux rives de la Méditerranée. C'est ce qui permettra un véritable respect et construction de la fraternité.
Vous évoquiez tout à l'heure l'indispensable engagement des cinéastes...
Un cinéaste c'est quelqu'un d'engagé. Ce n'est pas une personne qui fait juste des images. Sauf des gens qui font des connerie sur des chanteurs ou sur la plage mais un cinéaste doit être foncièrement engagé...
Etes-vous optimiste quant à l'avenir entre l'Algérie et la France?
Ce que je perçois est qu'il y aura traité d'amitié entre l'Algérie et la France. Il y a trop de liens entre ces deux pays. Je ne suis pas inquiet sur le traité d'amitié.
Je pense qu'il existera. Mais ce que je dis, c'est que ce traité ne doit pas être un traité basé sur le gaz et le pétrole. Il faut que ce traité parle des histoires qu'on a oubliées ou qu'on a occultées.
Un traité d'amitié ne doit pas être seulement économique mais on doit penser aux gens des deux rives de la Méditerranée.
Pourriez-vous nous raconter la genèse du film portant sur Jacques Charby, porteur d'espoir?
Un film de toute façon c'est beaucoup d'obstacles. Entre le point de départ et le point d'arrivée, il y a plein de soucis. J'avais parlé de ce sujet à Jacques Charby et on avait décidé de le faire au rythme de notre travail, chacun de son côté, selon nos disponibilités. Je n'avais pas de moyens en plus.
On a commencé à faire quelques images et pendant 6 ans en se disant au mois prochain, l'année prochaine, etc. Comme on n'est pas éternels, Jacques est mort en janvier 2006, je me suis retrouvé avec deux cassettes et je me suis dit que c'est dommage.
On a pris notre temps en se disant on va le faire et maintenant que Jacques est parti, que fait-on? Je me suis arrêté de travailler, séance tenante, pour monter ce film, en y rajoutant d'autres porteurs d'espoir dont Francis Janson, Christiane Philip, Robert Denis et Jean-Claude Poper et voilà comment ce film s'est fait.
C'est parti du jour de l'enterrement, le 7 janvier, et je viens de le finir il y a quelques jours et j'ai tenu à le montrer ici à Béjaïa.
Pourriez-vous nous parlez de l'association «Au nom de la mémoire» dans laquelle vous activez?
On est une association citoyenne. Le but n'est pas de parler mais de montrer, offrir au public des images pour que les gens puissent interagir. On essaie de participer à l'éducation, à la tolérance. Notre objectif est de rendre visibles, accessibles ces histoires douloureuses, des deux côtés malgré les sentiments. L'histoire coloniale, la vie dans les bidonvilles...On veut la vérité, comprendre, savoir mais pas juger. On veut avoir accès à des histoires de partage.
On est des combattants de la fraternité. On aspire à l'écoute et au respect de l'autre. L'histoire entre l'Algérie et la France n'est pas seulement une histoire de guerre. Il y a une histoire d'amour derrière.


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