L'Expression: L'incubater de l'université d'Adrar est actif depuis combien d'années et quel bilan peut-on tirer de ses activités? Khedidja Ait Hammouda: La décision de la création d'un incubateur à l'université Ahmed Draïa d'Adrar a été prise par Monsieur le recteur de l'université, le professeur Benamar Mohamed El Amine lors de la réunion du Conseil scientifique de l'université tenue en septembre 2022. Le 27 novembre 2022, il obtenait le label «Incubateur universitaire» délivré par la Commission nationale de labellisation au niveau du ministère de l'Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises. Le ministre de l'Enseignement supérieur, le professeur Kamel Baddari en a été conscient et a oeuvré dès sa nomination à mettre en oeuvre une série de mesures visant à exploiter au mieux le potentiel humain et les ressources matérielles de l'université en créant des passerelles la reliant au secteur économique. Il faut savoir que l'innovation, l'invention, l'entrepreneuriat et leadership, BMC et start-up, nouvelles technologies numériques et intelligence artificielle, sont autant de concepts et d'outils qui n'ont plus de secrets pour nos étudiants incubés et sont devenus de véritables leitmotivs. L'université n'offre pas de rêves impossibles et de diplômes sans crédit, mais les aide à concrétiser leurs rêves en mettant à profit le savoir acquis durant leur parcours universitaire en les incluant dans l'économie nationale, non plus comme demandeurs d'emploi, mais comme créateurs de valeur et d'emploi. D'une idée jaillit un projet, et du projet se crée une entreprise qui s'insère naturellement dans l'économie nationale. L'incubateur universitaire d'Adrar offre un espace de formation et de co-working aux étudiants qui, contrairement à ce que l'on pense, jouissent réellement d'une inventivité sans limites et que nous avons le devoir de valoriser. Une équipe de formation multidisciplinaire, constituée d'enseignants universitaires et soutenue par des experts et coachs externes, veille à l'accompagnement des porteurs de projets, sélectionnés après évaluation de leurs idées sur les critères de l'innovation, de la pertinence du projet et de sa faisabilité économique et technique. Cette équipe garantit une formation en entrepreneuriat innovant, pensée et diffusée auprès de tous les incubateurs universitaires, par la Commission Nationale de Coordination et du Suivi de l'Entrepreneuriat Universitaire, dont je suis membre, et mise en place par l'arrêté ministériel n° 1244 du 25 septembre 2022, en concomitance avec l'arrêté ministériel 1275, mais dont le but est de soutenir plus largement, le projet d'une université entrepreneuriale. En une année d'existence, vingt-sept projets proposés par les étudiants ont déjà été soutenus, et une dizaine est en cours de finalisation, dix-sept brevets d'invention ont été enregistrés au niveau de l'Inapi (Institut National Algérien de Propriété Industrielle), trois projets ont déjà obtenu le label «Projet innovant», et dix-neuf autres sont en attente de labellisation avant la fin de l'année. Pour arriver à ces résultats, en sus de la formation, toutes les ressources disponibles de l'université ont été mises à la disposition des projets incubés. Nous avons essayé du mieux que possible de répondre aux besoins des essais en laboratoire et du prototypage, pour les projets qui les nécessitaient. En plus des laboratoires pédagogiques, les étudiants ont pu avoir accès aux laboratoires de recherche dans certains cas, et en dernier recours, ont été orientés sur la plateforme Ibtikar qui à l'initiative de la Dgrsdt, a élargi son offre aux étudiants inscrits dans le cadre de l'arrêté 1275. Deux projets de l'université d'Adrar ont bénéficié de cette facilitation, en attendant qu'un FabLab soit créé localement. Comment les structures administratives de la wilaya appréhendent-elles les missions de votre incubateur? Un fort partenariat s'est établi avec les structures administratives locales et les pouvoirs publics ainsi que les différents organismes liés à l'entreprise au niveau de la wilaya d'Adrar. L'initiative des deux ministères impliqués dans ce projet national, et travaillant en collaboration, (enseignement supérieur et ministère des Start-up), plusieurs activités ont été possibles dans lesquelles se sont impliqués directement les collectivités locales, telles que la Direction du Commerce, la Direction de l'Industrie et la Chambre du commerce et de l'industrie, la Pépinière d'entreprises, ainsi que l'Anade (Nesda), l'Angem et le Cnrc de la wilaya d'Adrar. La wilaya d'Adrar a aussi proposé des locaux pour héberger les start-up dès leur création. Avez-vous des contacts avec la sphère économique dans la région du sud et ailleurs? En plus de la tendance générale vers la proposition de services numériques ou électroniques (plates-formes, applications mobiles...), les thématiques abordées répondent pour la plupart aux besoins locaux caractéristiques des zones sahariennes arides et s'inscrivent dans les orientations de l'Etat encourageant toute initiative sur les problématiques nationales: sécurité énergétique, sécurité en eau et sécurité alimentaire. Nous avons reçu une invitation de la Chambre du commerce et de l'industrie d'Adrar, à collaborer afin de parrainer les porteurs de projets et les mettre en relation avec la sphère économique locale. À Adrar, les étudiants qui ont été les premiers à s'engager dans la voie de l'innovation et de l'entrepreneuriat innovant sont issus des deux domaines qui en sont les plus proches. Sciences et Technologies et Sciences économiques, avec une timide apparition du domaine des Lettres (un projet innovant y a été soutenu). Mais au vu de l'engouement des étudiants d'autres domaines que nous avons observés pendant les journées de sensibilisation à l'entrepreneuriat universitaire et lors de la célébration de la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat, nous pressentons une diversification de la demande qui nous parvient des facultés des Sciences humaines et sociales, de Droit et Sciences politiques qui ont bien compris que l'innovation et l'entrepreneuriat n'étaient pas réservés seulement aux domaines techniques, mais leur était possible en proposant des services numériques et en mettant à profit les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans leurs domaines respectifs. Peut-on évoquer quelques Success Story qui peuvent constituer une locomotive pour les start-up dans la région du sud? D'après les derniers chiffres avancés par le ministère, l'Algérie compte environ 5000 start-up. À Adrar, aucune start-up n'a encore vu le jour. L'incubateur d'Adrar se propose justement d'être le vivier dans lequel se créeront des start-up locales. Nos porteurs de projets sont en cours de création de leurs entreprises et de formalisation de leurs demandes du label start-up qui leur ouvrira la voie d'un financement spécifique assuré par l'ASF (Algerian Startup Fund) et l'ouverture sur différentes formes d'investissement, ainsi qu'aux avantages fiscaux prévus par l'Etat dans le but d'encourager les start-up (décret exécutif n° 21-170 du 28 avril 2021). Au cours de l'évènement organisé par le Conseil du Renouveau Economique Algérien (Créa), sous le haut patronage du président de la République, sept porteurs de projets innovants de notre incubateur, ont été sélectionnés et invités à participer aux rencontres avec des investisseurs nationaux et de la diaspora algérienne. Le projet porté par l'étudiante Chikhi Chahrazed, a été remarqué et classé parmi les dix meilleurs projets nationaux. Nos étudiants participent aussi à des salons et challenges nationaux et universitaires, et exposent leurs projets. En mai dernier, deux de nos étudiants, Belbali Khaled Rida et Yousfat Moulay Ali, ont exposé leur prototype au Sipsa-Filaha, un évènement international du secteur agroalimentaire, organisé à la Safex à Alger.
