Présente dans le gotha des nations productrices de gaz, l'Algérie compte également parmi les pays exportateurs les plus en vue. Propulsé par les convulsions géopolitiques du moment, Alger s'impose comme un acteur clé de la donne énergétique mondiale. Le propos n'est pas exagéré, lorsque le pays alimente des pays majeurs à l'image de l'Italie, l'Espagne, la France et bientôt l'Allemagne et autres pays d'Europe du Nord. Le gazoduc, dont la réalisation a été conclue avec l'Italie et qui intéresse l'Union européenne au plus haut point, illustre le poids que prend l'Algérie dans la région. Conçu pour transporter le gaz naturel, l'ammoniac, l'hydrogène vert et l'électricité solaire, cette installation majeure de la Méditerranée occidentale servira bien au- delà du pic gazier. L'idée essentielle de cette alliance algéro-italienne consiste à pérenniser l'alimentation énergétique du Vieux Continent. Le déploiement, à l'horizon 2030, de plus 3 500 Megawatts d'électricité solaire, qui serviront à la production, à moindre frais, d'hydrogène vert, scelle un partenariat unique en son genre. Ce serait, en effet, la première fois dans l'histoire de l'Afrique du Nord et de l'Europe qu'une vision à très long terme est adoptée. Ligne de front Plus que l'Afrique du Nord, en réalité, puisque le Nigeria et le Niger participent à ce partenariat à travers le gazoduc transsaharien qui garantira d'immenses réserves énergétiques dédiées à l'alimentation de l'Europe. C'est dire donc, qu'à travers cette liaison sous-marine afro-européenne, c'est une nouvelle page d'Histoire qui s'écrira entre deux blocs civilisationnels qui s'étaient longtemps combattus et qui envisagent, à quelques décennies du déclin de l'énergie fossile, de s'associer sur un projet vital. La symbolique peut paraître quelque peu forcée, mais lorsqu'on se rend compte de l'ampleur que prend la guerre énergétique, ces dernières années, on peut mesurer tout l'intérêt de créer une zone de coopération pacifiée qui prépare sereinement l'après- pétrole et l'après-gaz. Cette guerre n'est certainement pas une vue de l'esprit, depuis la sabotage des gazoducs russo-européens, North Stream I et II. Les Etats-Unis ont déclenché ce qui pourrait devenir un cataclysme énergétique pour une bonne partie de la planète. Ils en tirent des bénéfices immédiats en vendant leur GNL à l'Europe. Cette solution n'a pas d'avenir et le risque d'une panne énergétique du Vieux Continent n'est pas du tout négligeable. Dans cette guerre, le gazoduc algéro-italien est certainement la seule option viable et peut constituer un modèle de coopération dans un monde, aujourd'hui, tiraillé par une course effrénée à l'énergie. Il faut savoir que le front ukrainien qui, à quelque chose malheur est bon, a hâté le plan du président Tebboune à diversifier les fournitures énergétiques algériennes à l'Europe, n'est absolument pas la seule ligne de confrontation entre les nations. Il est, en effet, entendu que dans ce climat tendu où les annonces de pénuries mondiales se font de plus en plus nombreuses, les pays producteurs, Etats-Unis en tête, font montre d'une grande agressivité commerciale. Le développement exponentiel du GNL ouvre un nouveau front et l'Algérie est bien obligée de se lancer dans la bataille. Les huit méthaniers dont disposent Sonatrach sillonnent déjà les océans. L'objectif est de placer le gaz algérien en Chine, en Indonésie, en Inde et ailleurs...jusqu'au Japon qui figure déjà sur la liste des clients de la Compagnie pétrolière nationale. Ce déploiement tous azimuts de l'Algérie sur le marché mondial du gaz est d'autant plus nécessaire que de grands producteurs comme le Qatar et la Russie ne cachent pas des ambitions hégémoniques sur des zones non couvertes par les USA et qui figurent parmi les plus dynamiques de la planète. Transition réussie L'Alliance algéro-nigériane apporte la force de frappe dont a besoin l'Algérie, dans cette phase de transition où, visiblement, les cartes sont rebattues. L'avantage considérable que prend l'Algérie, tient dans sa proximité d'une zone de consommation nette et surtout de sa vision à long terme. L'objectif n'est pas seulement de placer son gaz aux quatre coins de la planète, mais de réussir sa propre transition énergétique en développant un mixe diversifié qui servira à terme à alimenter l'économie nationale, tout en le rentabilisant à travers des contrats commerciaux avec l'Europe. L'objectif à court terme est de fournir 10% des besoins européens en hydrogène vert. Mais ce n'est là qu'une première étape. Car à très lointaine échéance, lorsque l'énergie fossile aura été complètement «siphonnée», le marché énergétique mondial s'effondrera. L'avenir est aux marchés régionaux dynamiques et rentables. Avec son ensoleillement exceptionnel, ses immenses réserves en gaz de schiste et un partenariat gagnant-gagnant avec le Nigeria et l'Europe, l'Algérie s'assure déjà sa niche.