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Un coucher de soleil à Bab El Oued
Publié dans L'Expression le 22 - 08 - 2007

Le vieux quartier algérois retrouve sa plage Padovani.
Bab El Oued se tourne désormais vers la mer. La plage Padovani est de nouveau fréquentée par les citoyens de la vieille cité. Cette petite plage a une histoire à raconter. Elle est rouverte au grand public. Aménagée et sécurisée, elle accueille les familles et des gens de tout âge venus des quartiers voisins. Avant l'indépendance, Padovani était la chasse gardée des pieds-noirs et des colons qui habitaient le vieux quartier populaire algérois. Une sorte de Club des pins à l'ancienne. La population «autochtone» était indésirable. Les «indigènes» étaient considérés comme des étrangers inaptes aux loisirs et à l'éducation. Seules quelques têtes passaient inaperçues.
Les Algérois, les lycéens surtout, se faisaient accompagner par des pieds-noirs pour passer l'écueil ségrégationniste. Des images d'antan ont gravé à jamais cette belle ambiance de Bab El Oued, de ses ruelles, ses boulevards, son jardin Marengo et sa «R'milet Laoued» qui se dresse encore majestueusement face à la mer. C'est là que les troupes d'occupation s'adonnaient au lavage de leurs chevaux. La plage R'mila est plus vaste. Elle est actuellement interdite à la baignade. Aussi, la réouverture de la plage Padovani, mitoyenne du petit espace de loisirs El Kettani, a fait des heureux parmi la population et surtout les chérubins du quartier. Ces derniers sont heureux depuis l'élimination de l'ancien complexe El Kettani, devenu par la suite un véritable lieu de débauche. Fini donc les déplacements sur des kilomètres le long de la côte pour faire trempette, les problèmes de transport et le temps perdu en route.
A la rencontre des petites gens
Il suffit de mettre la main sur son short, sa serviette et de se laisser emporter par son élan, à petits pas, pour se retrouver les pieds dans le sable. Du moins, cela fait le compte des zawalia qui ont tendance à se multiplier dans les rangs de la société algérienne. La classe moyenne laminée, il ne reste que les membres du club restreint de la jet-set et les autres. A Bab El Oued justement, on ne rencontre que les autres. Ceux qui ne peuvent s'offrir des vacances à l'étranger ou même dans les complexes touristiques nationaux qui sont envahis par une autre classe sociale. Les émigrés ne sont pas en reste. Eux au moins ils peuvent se permettre des moments de loisir dans leur pays avec les devises ramenées de «là-bas», faute de pouvoir se permettre des vacances sur la Côte d'Azur ou autres places fortes du tourisme international.
A Bab El Oued, vous ne risquez pas de vous retrouver face à face avec cette catégorie d'Algériens. A Bab El Oued, vous allez à la rencontre des petites gens du peuple. Et quand le peuple décide de profiter des vacances et des bienfaits de la mer, il n'a que la plage du quartier pour se réjouir. Des sandwichs à la qarantita ou du poivron et de la tomate dans un bout de pain pour déjeuner suffisent.
On est très loin des terrasses de Staouéli et des nuages de fumée des brochettes et autres merguez qui couvrent le ciel de la petite ville côtière. Chakir, la quarantaine entamée, ne veut pas qu'on touche à son petit paradis qu'il refuse de troquer contre les plages de luxe qu'il lui arrive de fréquenter pour, dit-il, «avoir une idée de cette autre image de l'Algérie». «Je suis véhiculé, célibataire et, explique-t-il, la plage Padovani me suffit largement. Ici, tout est vrai, dur, certes, mais authentique et reflète bien l'image de notre vie quotidienne.» Il fréquente son paradis depuis des années et il n'apprécie pas les conditions dans lesquelles sont mises les familles qui viennent faire trempette sur les lieux. «Je plains, dit-il, les gens qui ramènent leurs familles dans de telles conditions, même si les autorités ont placé un poste de police spécifique à la plage.»
Il nous révèle alors un incident qui s'est produit au début de la campagne estivale: «les jeunes du quartier ont mis la main sur deux pédophiles âgés entre trente et quarante ans qui tentaient d'abuser d'un enfant de 4 ans. Ils ont été molestés par la foule et emmenés à la police sous les cris d'´´Allah Akbar´´ pour signifier leur colère». La police les a de suite embarqués. Cela sans parler des agressions et des vols qui sont devenus légion.
Ce n'est pas le point de vue de Kamel qui trouve l'idée de la réouverture de la plage géniale puisqu'elle permet à des jeunes comme lui de trouver un petit emploi de plagier. Il pense que les familles sont bien traitées et ne sont nullement dérangées «même si les lieus sont exigus». Chakir n'en démord pas et soutient quand même qu'«il connaît assez bien les lieux». «Certes les apparences, explique-t-il, laissent penser que tout va bien mais il ne faut pas tromper les gens. Il faut savoir que certaines cabines collées au mur tout en haut de la plage servent de lieux de prostitution. J'ai remarqué, à plusieurs reprises, le manège des jeunes couples qui viennent passer du bon temps. Les propriétaires des lieux encaissent entre 50 et 1000 DA. A plusieurs reprises, les flics ont fait des descentes et pris en flagrant délit les auteurs de tels agissements, mais le phénomène continue d'exister encore. Je n'accepte pas qu'on induise en erreur des familles entières en leur faisant croire que la plage est familiale.» Une autre catégorie qui se plaint de vacarme créé par le rush des estivants est celle des petits pêcheurs.
Habitués au calme des lieux, ils se retrouvent condamnés à rester en rade, faute de pouvoir sortir et entrer dans cette plage qui grouille de monde. Juste en face de la plage Padovani se dresse la piscine d'El Kettani qui ouvre ses portes même la nuit pour accueillir les soirées de la chanson chaâbie. Elles sont animées en collaboration avec la radio El Bahdja. Ces soirées attirent beaucoup de monde. Elles sont devenues une tradition pour les habitants du quartier qui y assistent en période estivale et durant les soirées du Ramadhan.
Soirées chaâbies au bord de la piscine
C'est une bouffée d'oxygène pour les amateurs de la musique algéroise comme nous le fait remarquer Ahmed. «J'apprécie ce genre d'initiative, ce qui nous permet, argumente-t-il, d'échapper à la vague du raï qui déferle en été tel un tsunami.» Du chaâbi sous la brise marine. «Ce sont des amateurs, dit un habitué des lieux, mais il y a eu de bonnes surprises de la part de jeunes talents comme ce fut la cas avec un jeune venu de Relizane. Une véritable surprise qui a ébloui par sa voix les mélomanes.»
Ceux qui n'ont pas les moyens d'aller au Casif de Sidi Fredj trouvent là l'occasion un moyen de sortir en famille et de changer d'air. Son copain de quartier, Aniss, quant à lui, tient à exprimer son bonheur de voir les gens de Bab El oued se réconcilier avec la mer et les plages de la «houma». «Libre à eux, fait-il observer, de vivre jusqu'au dernier jour de leur vie à Moretti et Club des pins (allusion faite à la nouvelle classe bourgeoise qui s'est créée en Algérie) qu'ils nous laissent en paix dans notre quartier! Notre petit bonheur nous suffit. Et quand nous nous sentons asphyxiés nous prenons le chemin d'el harga. L'Algérie n'est plus celle de nos parents et grands-parents, elle est devenue la propriété d'une classe sociale.»
Comment passe-t-il ses journées d'été lui qui se dit vivre dans son petit paradis? «Je viens ici les après-midis après avoir déjeuné à la maison. Mon short et ma serviette à la main. Je rejoins les copains et on passe tout le reste de la journée ensemble. El gasra taâ el houma n'a pas sa pareille. C'est un paysage magnifique qui s'offre à nous. En face, c'est l'Europe (il éclate de rire), et sur le côté gauche, c'est le village de Notre-Dame d'Afrique. Ils ne sont pas bêtes les Français qui ont planté leur église juste là en face de la mer. Les arrivants par bateau ne risquent pas de la rater. A droite, c'est la piscine El Kettani et juste au fond, c'est la plage R'mila qui n'a pas été aménagée. Pourtant, elle est plus vaste mais sa situation devant le commandement des forces navales semble poser problème. Et juste derrière nous, c'est notre vieux quartier qui commence à tomber en ruine. Vous voyez que c'est le paradis, non?»
Notre jeune rêveur a déjà tenté el harga «mais c'était il y a très longtemps, raconte-t-il, avant que le phénomène ne devienne une mode. Maintenant, je ne suis plus tenté par le coup.» Un bain de soleil dans une plage archicomble suffit à nos jeunes plaisantins qui prennent la vie du bon côté en attendant des jours meilleurs. «Je ne m'en plains pas du tout, confie-t-il, el hamdoulilah, je ne regrette pas de n'avoir pas été un enfant de riches car une vie pareille ne me convient pas. Zawali wa f'hel, comme le chanteur chaoui, mieux que fils à papa et maman», résume-t-il non sans regretter de ne pas pouvoir s'offrir des vacances en Tunisie par exemple. «D'ailleurs, le président Bouteflika devrait penser à nous payer des vacances car nous allons voter pour lui lors des prochaines élections qu'el houkouma prépare.» Nous faisons savoir à notre interlocuteur que le prochain scrutin concerne les élections des APC. «C'est kif- kif», rétorque notre compagnon d'un jour. La culture politique fait défaut. Le soleil s'incline devant nous offrant un tableau féerique. «Un coucher de soleil à Bab El Oued», ça ferait bien l'objet d'un joli roman ou d'un titre de film de cinéma. Le soleil se couche, en effet.


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