Il aura en ligne de mire le record du monde de Michael Johnson. Conquérant du monde sur 100 m, le sidérant Usain Bolt est attendu au virage de sa spécialité du 200 m, dès aujourd'hui avec les séries et les quarts de finale, avec en point de mire le record du monde de l'Américain Michael Johnson (19.32) dont il est encore éloigné de 35 centièmes (19.67). Preuve de la considération dont il est l'objet, les trois derniers détenteurs de la marque du demi-tour de piste lui avaient quasiment délivré un blanc-seing après que Bolt eut amélioré la marque de son compatriote Asafa Powell (de 9.74 à 9.72), le 31 mai à New York, pour sa 5e course seulement sur la distance. Et bien avant sa démonstration pékinoise samedi soir en finale du 100 m: 9 sec 69 tout en fêtant la victoire dix mètres avant la ligne. «S'il accepte une partie des charges de travail que je m'imposais, il pourrait ne pas avoir de limites. Il est jeune, a du talent et un physique exceptionnel. Je mesurais 1,79 m pour 69,5 kg et j'ai couru en 19.72 (Ndlr: en 1979, avec l'aide de l'altitude de Mexico)», avait expliqué l'Italien Pietro Mennea, champion olympique du 200 m à Moscou et détenteur du record du monde du demi-tour de piste pendant 17 ans (1979-1996). «Je valais 10 sec et quelques centièmes sur 100 m. S'il ajoute à sa vitesse naturelle de base, la capacité à la résistance (maintenir la vitesse de pointe), faites le calcul. Il n'aura pas de problème», ajoutait le dernier grand sprinteur blanc. Immense champion, aujourd'hui âgé de 64 ans, Tommie Smith avait pour sa part descendu le record à 19 sec 83 en finale des Jeux de Mexico en 1968, même si la postérité a surtout retenu son poing levé sur le podium pour dénoncer le traitement infligé aux Afro-Américains aux Etats-Unis. «Si on se base sur ce qu'il a réalisé sur 100 m sans grande expérience et sur ce qu'il a déjà fait sur 200 m, il n'y a pas de raison pour qu'il n'arrive pas à battre le record», dit-il. «Je pense qu'il est capable de battre mon record du monde du 200 m, abonde Johnson, le plus concerné par la menace de la "foudre" Bolt. Il a les qualités pour ça. Il a une foulée immense et s'il arrive à augmenter sa fréquence, ça fera une combinaison exceptionnelle». Interrogé à Pékin après le show de Bolt sur 100 m, Johnson n'a évidemment pas varié dans son jugement, mais il pense que le passage de témoin n'aura pas lieu dans la capitale chinoise. Bolt ne disait pas autre chose samedi soir. «Je me concentre simplement sur mes deux courses à venir (200 m et relais 4x100 m). Je me suis préparé pour (faire le doublé 100 m/200 m, ndlr) et je vais essayer de le faire. J'ai montré que je peux courir les deux. Mais je ne veux pas penser au record du monde. Je veux juste gagner. J'ai le temps de penser au record». Avec les trois meilleurs chronos de la saison, il n'a pas à s'inquiéter outre mesure de la concurrence, essentiellement américaine (Dix, Crawford, Spearmon). Et peut déjà rêver de devenir le 9e homme à réussir le doublé 100 m/200 m aux Jeux. Le dernier en date n'était autre que l'Américain Carl Lewis, en 1984 à Los Angeles.
