L'échange entre Louisa Hanoune et Abdelaziz Ziari sur la dissolution de l'Assemblée nationale donne la mesure de la misère de la vie politique nationale. En gros, la porte-parole du Parti des travailleurs attend la dissolution de l'APN, parce qu'elle s'attend à un plus gros quota de députés pour son rôle dans la “réussite” de l'élection pour le troisième mandat et le président de l'institution législative espère que les choses restent en l'état le plus longtemps possible. Dans les deux cas, il n'y a aucun fondement politique à leurs suppliques. Et ils se le disent franchement. La polémique procède d'une démarche d'épicier. L'un est satisfait de son sort ; l'autre trouve opportun de demander une rallonge. La scène résume la motivation générale du personnel politique en l'état actuel du système : pourvu que ça dure pour les uns ; en attendant mieux pour les autres. En retour, ce personnel n'a que sa disponibilité à offrir, l'heure n'étant ni aux idées ni à l'action. Chacun dépend de la décision autoritaire qui fera de lui la personnalité qu'il espère être et lui ouvrira la porte de la puissance et des privilèges qu'il convoite. Formellement, le marais politique national offre l'image d'un paysage agencé selon les normes : des partis politiques avec leurs structures organiques et leur fonctionnement réglementaire et un mouvement faussement syndical et associatif, mais réellement para-politique dont les leaders s'échinent à anticiper sur les attentes du pouvoir, agrippés à leurs postes ou tacitement inscrits sur la liste d'attente des nominations. On les voit venant à la pêche à la rumeur pour essayer de savoir de quoi demain sera fait. Pas pour le pays, mais pour leurs petites carrières. Le cadre collectif s'impose comme une contrainte pour servir l'ambition individuelle ; on le quitte souvent sans regret quand la promotion exige d'emprunter d'autres voies que celle, naturelle, du militantisme organisé. L'indigence de ce qui tient lieu de débat public est symptomatique de cette culture de l'allégeance intéressée. Même en pleine campagne électorale, il n'est jamais question de perspective politique ou de développement : pas une projection sérieusement conçue, pas un chiffre établi ou alors des généralités, des lieux communs ou des quantifications à l'emporte-pièce ! La réponse de Louisa Hanoune à la réponse de Ziari n'est pas sans rappeler les échanges préliminaires entre le FLN et le RND à propos de la révision de la Constitution : chacun y va de son vœu, sans trop s'engager, pour ne pas se retrouver en porte-à-faux avec la décision ultime, en attendant que l'arbitre finalement tranche. Et mette tout le monde d'accord. D'accord, autrement, c'est l'opposition. Et dans la démocratie algérienne, l'opposition, c'est la marge, sinon la galère. Il y va de notre personnel politique comme de la théorie marxiste de l'emploi. C'est par l'armée de chômeurs politiques que le patron maintient la pression sur ses employés. Et la démarche n'est pas valable pour les seules fonctions politiques. Le système est ainsi fait que, quelle que soit l'activité, la “réussite” dépend du rapport du concerné à la politique. M. H.