Pas moins de 10 000 gendarmes et douaniers, en sus des policiers déployés dans le cadre du plan Alpha, ont verrouillé les axes routiers principaux de l'Algérois. Des arrestations et des saisies ont été opérées par les tuniques vertes et grises. Les criminels et les contrebandiers ont été surpris dans leurs propres fiefs. Les places publiques, les routes, les alentours des cafétérias, des mosquées et les quartiers chauds de la capitale ont été passés au peigne fin. Il faisait trop humide et chaud en cette soirée de lundi, deuxième et dernier jour d'une opération coup-de-poing combinée à travers les quatre coins de la capitale. D'emblée, on nous annonce la couleur : cinq affaires d'agression, d'escroquerie, de trafic de stupéfiants, d'usage de faux et de vol de véhicules viennent d'être élucidées. Devant les bouchons interminables de véhicules, un phénomène récurrent en ce mois du Ramadhan, il n'est pas du tout aisé de séparer le bon grain de l'ivraie. C'est que la sécurisation optimale de l'Algérois pousse, un peu plus chaque jour, les familles à veiller jusqu'à l'heure du s'hour. Il est 22 heures. À la compagnie de la GN de Chéraga, le commandant Farès Maâlem nous fait un point de la situation. Les deux agresseurs d'un fils d'un diplomate algérien, exerçant toujours à l'étranger, ont été arrêtés. Victime d'une agression au village Al-Karia, sur l'axe menant vers la forêt de Bouchaoui, ce jeune homme a été agressé et délesté de tous ses papiers et objets personnels : deux passeports, deux téléphones mobiles, une caméra, l'argent, enfin tout ce qu'il avait en sa possession. La plainte déposée, les deux auteurs, nés en 1991 et 1985, seront vite identifiés. Le premier sera arrêté l'après-midi même alors que le second sera interpellé quelques minutes avant la rupture du jeûne. Présentés lundi devant le procureur de la République, ils seront écroués. À Aïn Benian, c'est un Camerounais qui fera un faux usage de son passeport et d'un permis de conduire pour escroquer une agence de location de véhicules. À peine a-t-il quitté Aïn Benian pour rallier l'autoroute qu'il tombe nez à nez avec un barrage mobile de la GN. Il sera vite débusqué lors d'un contrôle de routine. Renseignements pris, ce ressortissant africain était en situation irrégulière. Au même moment, à Rouiba, on nous annonce l'arrestation de 7 individus pour commercialisation et consommation de stupéfiants. Selon le commandant Réda Boukhenfouf, c'est lors d'une descente inopinée dans une cafétéria que deux dealers, en possession de 130 grammes de cannabis, et cinq autres consommateurs, ont été appréhendés juste après la rupture du jeûne. À l'est de l'Algérois, le trafic du cannabis fait fureur, surtout pendant les veillées ramadhanesques. Mais le travail de renseignements et la présence accrue des gendarmes ont fini par payer pour, enfin, juguler ce phénomène. 24 heures de cavale pour les escrocs de Staouéli ! Il est 23h15. Alors que les gendarmes s'attelaient à rendre le bilan provisoire, deux autres Africains, originaires du Mali, sont interpellés à Benzerga, relevant de Dar El-Beïda (ex-Maison-Blanche). Les deux mis en cause sont arrêtés pour immigration clandestine et faux et usage de faux. Ils risquent l'expulsion pure et simple du territoire algérien. Un autre coup de filet sera opéré par les gendarmes de Staouéli et de Boumerdès qui ont fini par récupérer un véhicule de marque Renault Kangoo, volé la veille au centre de cette ville côtière d'Alger. “Nous sommes soulagés de résoudre cette affaire en 24 heures”, dira le colonel Tayebi. Au fait, ce vol de véhicules n'était au départ qu'un simple simulacre assimilé à de l'escroquerie. Les deux “acheteurs”, par ailleurs arrêtés, ont même promis une somme d'argent à son propriétaire avant de la lui subtiliser à Dar El-Beïda, où ils devaient établir l'acte de vente. Après enquête, les deux escrocs ont été arrêtés et la voiture récupérée. La veille, révélera M. Tayebi, lors d'un point de presse, pas moins de 500 kilos de viandes blanches ont été saisis sur la voie publique. De plus, les gendarmes et les douaniers ont saisi 1 180 kilos de viandes rouges transportés dans des conditions d'hygiène déplorables, en sus de l'absence des factures et des registres du commerce. “Je tiens à souligner les carences de l'administration au niveau local. Car, les APC élues doivent nous informer pour intervenir en qualité de force publique”, dira le conférencier, qui révèle que les axes de Baba Ali, Aïn Taya et Birtouta ont tous été “nettoyés” de ces vendeurs indélicats. Trafic en hausse des véhicules immatriculés à l'étranger Quelques minutes auparavant, les gendarmes et les douaniers, dans un barrage mobile, avaient interpellé le chauffeur d'un camion semi-remorque. Fouillé de fond en comble, le camion en question transportait de la crevette surgelée : rien à signaler. C'est que les tuniques vertes et grises avaient, auparavant, passé au peigne fin, plus de 100 containers au niveau des principaux axes routiers de la capitale. “Nous intervenons à tous les niveaux de compétence dès qu'il s'agit d'une opération combinée entre les deux services. Cela nous facilite encore plus la tâche pour contrôler les alentours des zones d'activité, les zones industrielles et les sorties des ports”, nous explique cet officier des douanes. Mais ce n'est pas tout, puisque les véhicules immatriculés à l'étranger seront systématiquement identifiés. On nous précisera que les autorisations de circulation sur le territoire national algérien, autrefois valables pour 3 mois, ne sont tolérés que pour 30 jours. Au-delà, le propriétaire devra justifier toute prolongation au niveau des services des douanes. Dans certains cas, les voitures qui ne retournent pas dans les délais dans leur pays d'origine, notamment vers la France, la Belgique, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, sont sujets à des litiges administratifs. Le stratagème est simple : le propriétaire, une fois l'autorisation renouvelée, quitte le territoire national. Une fois à l'étranger, il se fait établir une déclaration de perte et renouvelle sa carte consulaire. À défaut, il la renouvelle au bout de 2 ans. Et le véhicule reste en Algérie, change de propriétaire, et souvent de numéro de châssis et de plaque d'immatriculation. Des haches, des sabres, des couteaux et des psychotropes ! Il est minuit passé. Le bilan final tombe. Les gendarmes venaient d'arrêter un autre réseau spécialisé dans les agressions sur l'axe autoroutier de Zéralda, notamment sur l'échangeur menant vers l'autoroute Est-Ouest. Muni d'un couteau, l'un des assaillants, à peine la vingtaine, a été appréhendé en flagrant délit sur le pont surplombant l'oued Mazafran. Le mis en cause dénoncera vite son complice, un agresseur notoire et multirécidiviste. Au total, ce sont 60 individus, mis en cause dans des délits et des crimes, qui ont été arrêtés sur les 8 772 personnes identifiées. Selon le colonel Tayebi, près de 500 000 personnes ont été identifiées depuis janvier dernier, ce qui a permis l'arrestation de 820 personnes recherchées par les services de sécurité et en vertu de mandats de justice. Idem pour les véhicules, ce sont 38 voitures et camions qui ont été saisis sur les 173 486 moyens de locomotion contrôlés et fouillés. Ce qui ressort aussi de cette opération, c'est la saisie de 9 sabres, de haches et de couteaux, de psychotropes et même du cuivre destiné à la contrebande. C'est que les agressions montent en flèche pendant le mois de jeûne et les bandes se multiplient pour former des noyaux durs souvent difficiles à identifier, notamment à cause des nouvelles recrues en milieu des mineurs. Enfin, souligne M. Tayebi, il est à préciser que les accidents de circulation ont connu une baisse vertigineuse dans la capitale. En effet, de 791 sinistres en 2009, on est passé à 583 accidents alors que le nombre de décès a sensiblement baissé pour passer de 66 à 56 morts sur les routes durant la même période. Cependant, il se réjouira du fait que 78% des amendes forfaitaires ont été honorés, ce qui représente plus de 9 milliards en huit mois, alors qu'en 2009 seulement 13% des contraventions ont été payés, soit près de 1 milliard de centimes. Il est 2 heures du matin. Il y avait encore des bouchons. Les familles étaient sur le chemin du retour. L'heure est au s'hour.
