Résumé : Nazim se rendit à l'évidence. Il n'aura plus son bel aspect d'avant. Son visage avait subi des dégâts irréversibles. Il perdit connaissance devant la terrible révélation. Mais le médecin lui fera comprendre que dans de tels cas, le premier choc est toujours le plus appréhendé. La nature reprend toujours le dessus et on finit toujours par accepter son sort. La crise passe et s'estompe. Il regarde autour de lui, et constate que la glace n'était plus qu'un amas de débris éparpillés à travers la chambre. Il jure entre ses dents ! Il aurait aimé encore jeter un coup d'œil à son visage, ou à ce qu'il en reste. Il passe une main sur sa tête et sentit ses cheveux. Ah... ! il les avait tout de même gardés. Puis il passe la main sur ses deux oreilles… elles sont bien là… presque intactes… Seuls les pourtours portent de légères brûlures qu'on pourra facilement traiter. Et puis il y a ses yeux… il peut voir….Et aussi sa bouche et ses dents. Mais… en passant une main sur une joue il sentit une douleur vive. Ses joues sont enflammées. Ici la peau est boursouflée, prête à éclater. Avec le temps, les cicatrices vont se refermer… mais les séquelles seront profondes et éternelles. Il y a aussi son menton… il est tout mou… il n'est plus incurvé comme avant. En fait, maintenant il ne fait qu'une ligne avec le haut de son cou qui porte aussi d'autres brûlures… moins apparentes peut-être, mais aussi douloureuses que celles des joues et du reste du visage. Le plus grand choc vint en dernier : le nez ! Nazim ne le sentait plus.. Tout bonnement parce qu'il n'existait plus… Il n'avait plus de nez… On dirait qu'un ouragan l'avait arraché d'une seule traite pour ne laisser à sa place qu'un orifice comblé pour le moment par des pansements. Le jour où il devra les enlever, il n'aura plus qu'un trou au milieu du visage. Nazim se rappelle avoir déjà vu des films de guerre, où les soldats avaient des visages mutilés. Les uns n'avaient plus rien d'humain. D'autres avaient gardé un semblant de vie en tentant d'accepter leur nouvel aspect. D'autres encore n'avaient plus que la moitié d'un visage, tandis que le côté opposé était totalement carbonisé. On les appelait les “mutilés”. Ils faisaient pitié et suscitaient des émotions incontrôlables. Et lui, maintenant, faisait partie de ces mutilés ! Il va susciter la pitié… ! Non ! Non ! Non ! s'écrie t-il. Non ! il ne veut pas de pitié, pas de charité, pas d'émotion. Il tente de se relever et se rassoit tant bien que mal sur son lit. Si on lui avait dit qu'un jour il allait vivre une telle situation, il ne l'aurait jamais cru ! Deux mois passent. Nazim quitte l'hôpital, et rentre chez-lui le cœur meurtri, mais décidé à affronter sa nouvelle existence avec abnégation. Il s'aidait d'une canne pour marcher. Les multiples cicatrices sur son bras droit n'étaient plus aussi visibles qu'au début, et on lui avait dit qu'elles disparaîtraient à jamais dans quelque temps. Par contre, il sentait encore des douleurs tout au long de ses jambes. Plusieurs séances de rééducation lui avaient permis d'en consolider les muscles, et bien qu'il n'arrive pas encore à marcher normalement, il pouvait se déplacer sans peine d'une chambre à une autre, ou même faire quelques pas à l'extérieur de la maison. Maintenant qu'il avait quitté l'hôpital, il devrait penser à entamer une nouvelle vie. Son visage s'était cicatrisé… mais… est-ce qu'on pouvait appeler ce tas de chairs amoncelées et fripées, un visage ? Nazim avait tenté tant bien que mal de se raisonner. Il avait tenté de parler et de sourire comme avant. Il avait réussi à retrouver le timbre normal de sa voix mais son sourire n'était plus illuminé… il n'arrivait pas à atteindre ses yeux… on dirait plutôt une grimace… Son sourire ne sera désormais que l'image de son âme meurtrie. Il ne pourra pas le contrôler ni le maitriser. Il le savait. Il savait que, malgré ses effort, son cœur saignait… Une hémorragie qu'il ne pourra jamais juguler… (À suivre) Y. H.