Jamais, peut-être, le général de corps d'armée Mohamed Lamari n'a autant occupé la scène médiatique qu'en cette année 2003. à deux reprises, il a tenu des déclarations qui l'ont mis sous les feux de la rampe. La première fois, c'était en janvier 2003, lorsque, dans une interview accordée au magazine français Le Point, il a soutenu : “Ce n'est pas à l'ANP de faire les présidents. L'année prochaine, l'institution militaire reconnaîtra le président élu, même s'il est issu du courant islamiste.” La seconde fois, c'était en juin 2003, dans une autre interview accordée cette fois-ci au quotidien cairote El Ahram en promettant : “Nous accueillerons favorablement celui que le peuple choisira, fut-il Abdellah Djabellah, le leader du mouvement El-Islah.” Deux déclarations fracassantes commentées en long et en large par la presse nationale et internationale et qui se voulaient un gage de la neutralité de l'armée dans la compétition électorale à venir. Ces deux dernières années, la grande muette a comme retrouvé sa voix en s'imposant un effort de communication remarquable. L'objectif : répondre à ses détracteurs et se débarrasser de la casserole qu'elle ne cesse de traîner depuis bien des années, à savoir qu'en Algérie elle est le véritable pouvoir, “la faiseuse de présidents”. C'est cette réputation, d'ailleurs, qui fait que chaque fait et geste de ses responsables sont vite soumis à de multiples interprétations. C'est vrai que, depuis 1962, tous les présidents sont issus de l'armée (Boumediene, Chadli et Zeroual) ou ont bénéficié de ses grâces (Ben Bella, Boudiaf, Kafi et Bouteflika). C'est pourquoi l'engagement de Lamari a pris l'allure d'une véritable première. Il n'a laissé personne indifférent. La classe politique l'a différemment accueilli. Si les partis islamistes se sont félicités de l'engagement de Lamari, certains partis démocrates comme l'ANR et le MDS l'ont reçu comme une douche écossaise. El Hachemi Cherif est allé jusqu'à qualifier la sortie de Lamari de “dérive”. à la différence du RCD, qui ne s'était pas senti obligé de “réagir à chaque fois que le responsable d'une institution parle”. à quelques encablures de la présidentielle, cette question de la neutralité de l'armée demeure toujours au centre du débat politique. Pour beaucoup, elle est une condition “nécessaire, mais insuffisante” pour la tenue d'une élection présidentielle transparente. Des partis comme le RCD exigent d'autres conditions, telles le départ du gouvernement Ouyahia. D'autres encore, comme Rachid Benyelles et le FLN, souhaitent que l'armée observe une neutralité “agissante” pour empêcher Bouteflika d'avoir les coudées franches. Reste à savoir si cette volonté affichée de l'ANP de se retirer définitivement du champ politique pour ne se consacrer qu'à ses seules missions constitutionnelles ne servira pas de combustible à la mécanique de la fraude. Le danger est réel. D'aucuns ont d'ores et déjà exprimé leurs appréhensions. A. C.