Le président-directeur général de Saipem a dû démissionner pour raison d'enquête sur une affaire de corruption qui mettrait en cause la firme italienne et Sonatrach. Au Canada, un scandale de corruption impliquant les autorités de plusieurs villes du Québec et la société SNC Lavalin a conduit à l'arrestation du président-directeur général de cette grande entreprise d'études et de réalisation, avant de provoquer la démission du maire de Montréal. SNC Lavalin est présente en Algérie depuis trente ans ; elle est le constructeur du monument et centre commercial Ryadh El Feth. Depuis que le scandale Sonatrach a éclaté, elle a perdu plusieurs marchés, notamment celui concernant la réalisation de la nouvelle ville de Hassi-Messaoud. Depuis un certain temps, des articles de presse rappellent régulièrement que la CSCEC, entreprise chinoise choisie pour la réalisation de la Grande-Mosquée d'Alger, a été inscrite dans la liste rouge de la Banque mondiale pour corruption. Au moment où Transparency International publie son rapport annuel qui maintient l'Algérie à sa peu reluisante position dans le classement des pays les plus corrompus, la chronique judiciaire internationale semble vouloir confirmer l'adage : de grandes entreprises étrangères, parmi nos partenaires les plus assidus, connaissent des déboires avec la justice de leurs pays d'origine et voient leur réputation internationale s'effondrer. À observer l'assiduité avec laquelle le pays s'emploie à conserver son rang dans la hiérarchie des pays corrompus, on peut en déduire que le fléau constitue désormais la “constante nationale" la mieux entretenue. Cet état de fait semble devenu constitutif de l'image nationale et ne suscite même plus de réactions officielles. Tout se passe comme si les autorités nationales, ayant fini par convenir du fait que la corruption est caractéristique de la nature du régime, attendaient que l'avalanche de détractions passe, et que la vie politique et la vie des affaires reprennent leurs cours, avec cette insouciance qui, depuis longtemps, les caractérise. Ce sont les deux versants organiquement solidaires d'une même vie nationale, et le régime n'a d'autre choix que d'assumer la réputation qui en découle. Les serments, régulièrement réitérés, de lutte contre les malversations et les instances anticorruption qui se multiplient, rivalisant de discrétion, prennent des allures de réactions de principe devant la curée qui s'étale au grand jour. Même quand le procès ne peut être évité, on peut observer avec quelle application les charges se limitent invariablement aux simples “justiciables". La corruption d'un pays ne semble, au demeurant, pas jeter ombrage sur son régime. Nos partenaires, dans leur palier diplomatique, ne tarissent pas d'éloges sur notre démocratie et sur la réussite... de nos réformes. Ne sont-ce pas justement ces “bonnes" affaires qui font de nous un pays “incontournable", comme disent ces VRP de luxe qui, régulièrement, viennent nous caresser dans le sens du poil en perspective de prochains contrats... Dans le monde politique, comme dans les affaires, on a la morale de ses fréquentations. M. H. [email protected]