Membre du Think tank spécialisé en défense Rand Corporation, M. Jones intervenait avec d'autres experts devant la commission chargée des questions de terrorisme auprès de la Chambre des représentants, qui a tenu jeudi une audition consacrée aux groupes affiliés à Al-Qaïda. Constatant une augmentation continue du nombre des branches d'Al-Qaïda et l'extension géographique de leurs activités, cet expert a mis en garde qu'Al-Qaïda et ses groupes affiliés, de plus en plus diffus, font preuve de "résilience" et sont "loin d'être vaincus". Il a cité notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Ansar al-Charia pour l'Afrique du Nord, Al-Qaïda en Irak, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP, basée au Yémen), Al-Shabab (basé en Somalie), et le groupe le plus récent Djabhat al-Nousra (basé en Syrie) né dans le sillage de la crise syrienne. Parmi les principaux facteurs à l'origine de ce renforcement de ces groupes terroristes, il a cité les soulèvements arabes qui, selon lui, ont fragilisé la sécurité dans plusieurs pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, créant ainsi des "opportunités" aux groupes d'Al-Qaïda pour y assurer leur point d'appui. En outre, a-t-il encore affirmé, la "lutte sectaire" actuelle à travers le Moyen-Orient entre sunnites et chiites a renforcé les groupes terroristes sunnites dont Al-Qaïda. Outre ces branches, il a aussi évoqué ce qu'il appelle "les réseaux inspirés" qui n'ont pas de contact direct avec Al-Qaïda central, mais qui sont motivés par sa cause, en citant l'exemple des frères Tsarnaev, auteurs des attentats de Boston d'avril dernier. L'autre point sur lequel M. Jones a insisté devant le Congrès est que l'un des plus importants "champs de bataille" de la lutte contre le terrorisme est l'Internet, soulignant que l'essor de cet outil et des médias sociaux "ont modifié fondamentalement" les activités terroristes, relevant que les extrémistes n'utilisent quasiment plus les mosquées pour les activités de communication et de sensibilisation. YouTube, facebook, Twitter et les autres forums de discussion électronique sont de plus en plus utilisés par les groupes terroristes pour mener leur propagande, recruter de nouveaux partisans et chercher l'aide financière, a-t-il noté. À partir de l'ensemble de ce constat, cet expert a prévenu que "la lutte contre le mouvement d'Al-Qaïda sera longue et se mesure en décennies et non pas en mois ou en quelques années". Intervenant également devant la Chambre des représentants lors de cette audition, un expert du Think tank American Enterprise Institute, Frederick Kagan, a donné un aperçu pessimiste en affirmant, d'emblée, que "la lutte contre Al-Qaïda va mal". Les branches d'Al-Qaïda d'Afrique du Nord et de l'Ouest, d'Irak, de Syrie et du Yémen "ont considérablement élargi leurs zones d'activités ainsi que leurs capacités, et elles semblent prêtes à poursuivre cette expansion", a-t-il mis en garde, ajoutant que de nouveaux groupes ayant des penchants pour Al-Qaïda sans en être affiliés font leur apparition en Egypte alors que d'autres, tels que Boko Haram au Nigeria, semblent se rapprocher de cette organisation. Dans ce sens, il a avancé que les tendances actuelles indiquent une expansion spectaculaire et continue des affiliés d'Al-Qaïda et qu'il est difficile de voir comment les politiques antiterroristes menées par les Etats-Unis et d'autres pays pourraient contenir ou réduire cette extension. Selon cet ex-professeur à l'académie militaire de West Point, "les Américains doivent sérieusement envisager la possibilité qu'ils sont en train de perdre la guerre contre Al-Qaïda". Particulièrement critique envers la politique antiterroriste de Barack Obama, cet expert juge que le président américain a tort de faire la distinction entre les branches d'Al-Qaïda qui affichent leur intention d'attaquer les Etats-Unis de celles qui ne le font pas. De l'avis du gouvernement d'Obama, a-t-il poursuivi, les groupes tels Aqmi, Al-Shabab ou l'Emirat islamique du Caucase, qui n'ont pas fait part de leur intention d'attaquer le territoire américain, ne seraient pas nécessairement une menace immédiate pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Mais ce point de vue relativement optimiste, selon lui, repose sur un certain nombre d'hypothèses dont la validité est "très discutable". Pour battre en brèche la conception du président américain sur ce point précis, il argua que personne ne croyait qu'Aqap constituait une menace contre le territoire américain jusqu'à ce que ce groupe revendiqua l'attentat manqué contre un avion américain le jour de Noël 2009, ainsi que pour les talibans pakistanais jusqu'à ce qu'un citoyen américain d'origine pakistanaise ait participé à l'attentat déjoué de Times Square en mai 2010. En conséquence, il a estimé qu'il n'y avait aucune certitude que l'Aqmi ou Al-Qaïda d'Irak ou Djabhat Nousra ne vont pas décider d'attaquer le territoire américain, ajoutant que certainement si ces groupes décideraient de le faire, ils réaliseraient leur éventuelle opération avec des moyens et des capacités plus importants. R. I./APS Nom Adresse email