C'est un pays qui est supposé avoir une Constitution, des lois pour les partis et les élections, une classe politique... Tous les attributs formels d'une république. D'une république démocratique. Dans un peu plus de trois mois, prend fin le troisième mandat de son président. Au terme de son deuxième mandat, celui-ci avait fait de l'abolition du principe d'alternance l'enjeu politique du moment. Il finissait par l'imposer et tout le personnel politique institutionnel s'était mobilisé pour défendre cette forme d'"approfondissement" de la démocratie. Après tout, si les Algériens veulent garder un chef d'Etat à vie, pourquoi les en priver ? Surtout que ce choix, ils le feront, et ils l'ont fait, en toute démocratie, n'est-ce pas ? Cette fois-ci, la perpétuité du régime n'est plus sujette à contestation. Le débat — ou ce qui nous tient lieu de débat — s'est accommodé de la possibilité d'un renouvellement illimité du mandat présidentiel. La controverse tourne, depuis des mois, autour de la capacité physique de Bouteflika à tenir son rôle dans la durée. Or, il s'avère impossible de définir ce rôle dans sa manifestation publique : progressivement réduit au minimum protocolaire, bien malin celui qui pourra nous dire si la performance du président est suffisante ou pas pour considérer que la fonction suprême est assurée. Cette fois encore, le personnel politique du régime et celui de ses stations-relais se sont remobilisés pour jurer qu'il va bien. Et, accessoirement, pour célébrer son bilan. Positif, n'est-ce pas ? L'avantage pour les chantres gratifiés du régime est que le débat, transposé jusque dans l'intimité médicale d'un chef d'Etat, n'est plus tenable : d'une part, dans un contexte d'opacité, ils ont l'avantage d'être les proches du concerné, alors que leurs contradicteurs sont réputés ignorer la réalité de son état de santé ; d'autre part, le débat gagne en malaise psychologique et perd de son caractère politique. Nous voici donc projetés loin de la problématique qui devrait être celle que pose toute fin de cycle politique : faut-il continuer ou changer ? Et s'il faut changer, pour quel changement ? Certes, le président sortant n'est pas tenu d'annoncer sa candidature ou son retrait avant l'échéance légale de déclaration de candidature. Mais il n'est pas, non plus, normal de faire comme si la question ne se posait pas déjà. Il y a donc des plans que le pouvoir préfère garder par-devers lui. Il ne reste aux forces politiques autonomes, aux adeptes du changement, aux candidats potentiels, à l'opinion et au simple citoyen intéressé par l'avenir politique immédiat de son pays que la ressource de la présomption. Candidat pas candidat, candidat avec vice-présidence pour parer à l'éventualité d'une défection du président réélu, candidat avec vice-présidence pour assurer la continuité même sans le président réélu... et bien d'autres hypothèses de même allure. Pour compliquer les projections, Bouteflika et son régime disposent d'une Constitution en suspens. Ils peuvent procéder à sa "réforme" à tout moment comme la reporter sans délai, pouvant pratiquement mettre le contenu qu'ils souhaitent dans cette hypothétique "réforme". En un moment, le pays est délibérément maintenu dans l'incertitude, délibérément partagé entre vœux et conjectures. En attendant que le régime trouve, une fois encore, le "truc" qui lui convient. M. H. [email protected] Nom Adresse email