La poursuite de la grève dans l'éducation, en liaison avec la déception des parents d'élèves et le niveau des écoliers, relance le débat sur le pluralisme syndical. Le recours au débrayage (qui est un droit constitutionnel) dans ce secteur peut-il porter préjudice à l'école publique algérienne et à l'élève, tout en discréditant l'enseignant gréviste ? La réponse est forcément liée à l'histoire et à l'itinéraire des syndicats dits autonomes et de l'UGTA. Bien que très peu d'études aient été menées sur le pluralisme syndical en Algérie, syndicalistes et sociologues admettent que "le corporatisme" des syndicats autonomes a ses limites. D'après eux, ces syndicats, conscients du rapport de force à l'intérieur de leur secteur, négligent le rapport de force à l'échelle nationale et donc, leur implication dans la bataille pour une école publique de qualité et un projet de société démocratique. L'oubli de la vision stratégique est souvent à l'origine de leur impuissance et du maintien d'une action de protestation ou d'une grève, qui finit par jouer en leur défaveur. À cela viennent se greffer, d'une part, le fait que dans certains secteurs, différents syndicats activent et soulèvent les mêmes problèmes alors que, de l'autre, les statuts limités de la plupart des syndicats autonomes les empêchent de discuter des objectifs économiques ou politiques. Pour bon nombre d'observateurs, le monde syndical présente un visage paradoxal, avec la concentration des syndicats autonomes dans la Fonction publique, au détriment du secteur privé et de ses travailleurs. De plus, affirment-ils, l'UGTA, en tant qu'appareil, est devenu "le bras social du régime" et n'arrive pas à traduire les véritables aspirations des travailleurs. Selon eux, le mouvement syndical autonome, ayant vu le jour depuis un quart de siècle, a été conduit par d'anciens syndicalistes de l'UGTA, écartés de cette organisation, ce qui expliquerait le fait qu'il "reste organisé autour du secteur public". Même si des passerelles existent entre des syndicats autonomes et entre ces derniers et des syndicats UGTA, la problématique de l'autonomie du mouvement syndical algérien reste posée, en l'absence de capitalisation de son expérience, de formation des cadres syndicaux et de la faiblesse des relais politiques et sociaux dans la société, censés favoriser la convergence des luttes syndicales. Mais, on ne peut pas taire la responsabilité du pouvoir dans l'actuel désarroi syndical. Soucieux de diviser le mouvement syndical pour amoindrir la contestation sociale, il achète "la paix sociale" et considère l'UGTA comme unique partenaire social, contribuant ainsi à créer une "fracture" entre cette organisation et les syndicats autonomes. Une fracture devenue plus complexe et exacerbée, notamment par l'entrée en scène des programmes de l'Ansej et de la Cnac qui, eux, viseraient "la création de petites bourgeoisies afin d'étouffer les libertés syndicales". Aujourd'hui, l'Algérie a besoin d'un mouvement syndical pluraliste et fort, au regard de la conjoncture actuelle. Le pays gagnerait plus avec la démocratisation de l'UGTA et la création d'un "observatoire" pour l'étude de la sociologie des salariés et des politiques sociales. Seulement, l'épanouissement du mouvement syndical va de pair avec la promulgation de lois sociales à même de "garantir les droits des travailleurs". Mais est-ce le cas ? H. A.