L'entrée à Tripoli de la coalition de milices, qui se fait appeler la Garde nationale libyenne, ajoute au climat d'instabilité en Libye et menace la relance du processus de paix, en panne depuis plusieurs mois. Et ce sont aussi les efforts diplomatiques des pays voisins, comme l'Algérie et la Tunisie, qui risquent d'être sapés. Cinq ans après la chute de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, la Libye peine à sortir du chaos sécuritaire et à dépasser les clivages politiques et tribaux qui ont plombé jusqu'à maintenant le processus de transition, sous l'égide de l'ONU. Munis d'agendas différents et soutenus par des puissances étrangères, à la recherche de davantage d'influence dans le pourtour méditerranéen, les acteurs politico-militaires libyens continuent de s'affronter violemment, tout en se rejetant la responsabilité de l'échec des tentatives de sortie de crise. Ce pays voisin est dirigé par trois gouvernements parallèles, dont deux sont implantés à Tripoli et le troisième à Tobrouk, dans l'Est frontalier avec l'Egypte. Aujourd'hui, à la veille d'un sommet tripartite algéro-tuniso-égyptien, prévu mi-février à Alger, l'arrivée d'une nouvelle coalition de milices de Misrata, sous la bannière de la Garde nationale libyenne, suscite l'inquiétude et ajoute au climat de confusion qui règne dans ce pays depuis la "Révolution du 14 février" 2011. Cette coalition, originaire de Misrata, était derrière l'offensive qui a décapité la branche libyenne de l'organisation autoproclamée Etat islamique, dont le quartier général était à Syrte, la ville natale du défunt colonel Kadhafi. L'objectif déclaré de cette nouvelle entité militaire est de sécuriser les institutions de l'Etat, les missions diplomatiques et les ressortissants étrangers présents en Libye. Mais elle est considérée comme "hors-la-loi" par le gouvernement libyen d'union nationale (GNA), qui se voit affaibli davantage, alors que des tentatives diplomatiques sont en cours pour sa relance, sur de nouvelles bases, en associant les parties libyennes opposées à son installation, selon l'accord onusien de Skhirat, appelé à être modifié, selon plusieurs sources diplomatiques. "Nous soulignons que ce groupe et ceux qui l'appuient sont considérés comme hors-la-loi et n'ont aucun statut. Et ils vont être traités de la sorte par les organes sécuritaires et judiciaires", a averti, hier, le GNA dans un communiqué rendu public sur les réseaux sociaux. Pour le GNA de Fayez al-Serraj, il s'agit ici d'une "tentative de former un corps parallèle à la garde présidentielle" et de "faire entrer la capitale dans un conflit armé sanguinaire". Si certaines informations affirment que cette coalition est formée de milices proches de Khalifa Ghweil, un ancien dirigeant qui avait autoproclamé en 2014 à Tripoli un "gouvernement de salut national", il est pour le moment difficile de les confirmer. Car, les alliances se font selon la logique des "vases communicants", lesquels dépendent des intérêts immédiats. Mais tout concourt à affirmer que cette entrée en scène de l'autoproclamée Garde nationale libyenne dans la capitale est motivée par la peur de voir Misrata, une ville connue pour son opposition à l'ancien régime de Tripoli, exclue du processus de relance du dialogue interlibyen, sous l'impulsion de l'Algérie, de la Tunisie et de l'Egypte. Même si Alger a opté pour un dialogue interlibyen inclusif, Le Caire semble peu enclin à voir les Frères musulmans en faire partie, contrairement à la Turquie et le Qatar qui manœuvrent pour les imposer sur la scène politique libyenne, quitte à aller contre la volonté populaire libyenne qui les rejette au même titre que les salafistes, dont se sert habillement le controversé général Khalifa Haftar dans son opération Al-Karama (la dignité) dans l'est du pays