Deuxième intervenant avant-hier, au campus des jeunes libres du RCD, le professeur Belkacem Mostefaoui a présenté une communication ayant pour thème : "Régulation des médias et journalisme : questions actuelles d'Algérie". À cette occasion, le conférencier a dressé un tableau des plus sombres sur l'évolution du métier de journaliste en Algérie et sur la place des médias, notamment depuis l'avènement des télévisions algériennes de droits étrangers. Professeur à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information à Alger, M. Mostefaoui a indiqué que l'Algérie compte aujourd'hui quelque 140 quotidiens nationaux, plus d'une cinquantaine de télévisions commerciales et autant de radios publiques. Sur le nombre de titres de la presse écrite, il dira, sans ambages, que plus de 120 d'entre eux vivent et existent grâce aux "prébendes de la publicité de l'Anep", l'agence publique de publicité. "Il y a des titres qui emploient trois à quatre journalistes. Le quotidien est rempli de commentaires et de pages de publicité, mais pas d'infos." Pour lui, c'est de la dilapidation de l'argent public. C'est en raison de la déréglementation que "ce sponsoring, sous perfusion de l'Etat," est possible. Et de rappeler avec insistance que le journalisme n'est pas de la communication. C'est une profession, un savoir-faire, des techniques d'écriture journalistique, du savoir-être, c'est-à-dire de l'éthique et de la déontologie. Ce qui est loin, selon lui, d'être le cas aujourd'hui. Ces nombreux titres de la presse écrite, ces télévisions commerciales de droits étrangers — notamment ceux et celles suscités par le pouvoir politique depuis le début et le milieu des années 2000 pour les premiers et 2012 pour les secondes — sont instrumentalisés par les pouvoirs publics et convergent vers la production de propagandes populistes. Il en a été ainsi du média radio naissant des années européennes 1930 utilisé par le ministre de la Communication Goebbels du régime hitlérien nazi. "Au mépris aussi des valeurs, qui fondent le vivre-ensemble de l'Algérie. Les télés commerciales offshore ciblant la société algérienne ont aggravé l'anomie qui règne dans le champ médiatique, amplifiant la cacophonie à côté d'une pléthore de quotidiens de droit privé", a-t-il déploré, avant de s'interroger sur "qui était dans l'orchestration ?" Le conférencier a insisté dans son exposé sur le fait que la nation algérienne a été sevrée d'un service public de l'audiovisuel depuis l'indépendance du pays. Et cela s'est accentué. Alors que des pays ultralibéraux, comme le Royaume-Uni des années 1980, à titre d'exemple, Margaret Thatcher a commencé l'assainissement de l'économie et la réduction de la dépense publique et donc du déficit et de la dette publique, mais "elle n'a jamais osé privatiser ou réduire le budget de la BBC". Pour lui, "la presse se retrouve âme, cœur et esprit livrée à une nouvelle espèce de charlatans autrement plus redoutables et maléfiques que les bonimenteurs qui sillonnaient les marchés et places publiques d'antan, pas moins que les propagandistes des années de plomb du parti unique FLN". Un cumul de nombreuses années que des ministres de la Communication ont laissé se développer sur le dos d'entreprises publiques. Il n'a pas manqué, non plus, de rappeler que quelques mois auparavant, "le bulldozer avait nettoyé le terrain en éliminant toute ambition aux éditeurs d'El Khabar TV. Prometteuse par sa qualité éditoriale, elle a fait les frais d'une cabale bureaucratique contre son projet de recapitalisation". Dans ce cas-ci, la justice algérienne a été d'une célérité exemplaire. Au sens de donner l'exemple à toute entreprise médiatique tentée par "l'aventure démocratique". Il dira en conclusion que la constitution de ce marécage est le produit d'une politique de communication résolument élaborée et administrée depuis notamment une décennie par les tenants de la puissance publique en collusion avec des intérêts privés hors de tout respect de réglementation. M. Ouyougoute