Un peu plus d'un mois après le référendum organisé le 25 septembre dernier par Massoud Barzani, qui est resté lettre morte, les Kurdes d'Irak s'entredéchirent au point où le rêve d'avoir enfin un Etat est devenu une véritable chimère. Massoud Barzani a raté son pari d'arracher l'indépendance du Kurdistan. Conscient de cet échec, il a annoncé, dimanche, son départ de la présidence de cette région du nord de l'Irak, dont il avait obtenu l'autonomie en 1991. "Après le 1er novembre, je n'exercerai plus mes fonctions, et je refuse que mon mandat soit prolongé", a affirmé Massoud Barzani dans une lettre adressée au Parlement kurde. N'ayant pas pris au sérieux les mises en garde des pays occidentaux, notamment son meilleur allié les Etats-Unis, ni mesuré à quel point l'Irak avait changé après les nombreuses victoires contre l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique, il se retrouve en position de faiblesse. Acculé, il a recours à ce renoncement à la présidence du Kurdistan. Cette démission sera lourde de conséquences pour le Kurdistan irakien, qui pourtant était aux portes de l'indépendance au vu des résultats du référendum du 25 septembre dernier avec 93% de oui. Mais c'était compter sans la rivalité historique entre les deux partis politiques kurdes, que sont le Parti démocratique kurde de Massoud Barzani et l'Union patriotique kurde de feu Jalal Talabani. Les deux partis semblent avoir des stratégies diamétralement opposées pour atteindre leur objectif, qui demeure la création d'un Etat kurde. En effet, alors que le PDK a opté pour la ligne directe à travers une revendication immédiate, l'UPK, lui, semble préférer une autre manière. Il noyaute l'administration centrale irakienne, où nombre de ses cadres ont occupé de hautes fonctions dans l'administration centrale à Bagdad, dont feu Jalal Talabani qui a été président de la République irakienne. L'organisation du référendum d'autodétermination aura été la goutte qui fait déborder le vase entre le PDK et l'UPK. Ce dernier a clairement désavoué Massoud Barzani en estimant publiquement que le moment n'était pas opportun. Le point de non-retour a été atteint avec l'offensive militaire lancée le 13 octobre par l'armée irakienne pour reprendre les positions objets de différends entre Bagdad et Erbil, notamment la province de Kirkouk. Le refus des peshmergas de l'UPK de combattre les soldats irakiens a isolé ceux du PDK sur le terrain, d'où la reprise en un temps record de toutes les positions visées, notamment les champs pétroliers. Il n'en fallait pas plus pour que Massoud Barzani, dont les prérogatives ont été gelées par le Parlement kurde après l'organisation du référendum d'autodétermination, jette l'éponge, car se rendant compte qu'il n'avait plus les moyens de sa politique. Le tarissement d'une bonne partie de ses ressources financières avec la perte des puits de pétrole de la province de Kirkouk aura eu raison de sa détermination. C'était un coup fatal à la viabilité économique du rêve indépendantiste kurde, qui s'évapore. La déclaration du député Raboun Maarouf, du troisième parti politique kurde Goran, dans laquelle il affirme que "Massoud Barzani symbolise l'échec de la politique kurde, et la seule chose qui lui reste à faire est de s'excuser publiquement", reflète on ne peut mieux la profondeur des divergences entre les différentes parties kurdes. Merzak Tigrine