Qui dit mois sacré de Ramadhan, dit flambée des prix, mais aussi et surtout entraide et partage. Des valeurs qui, quoi qu'on dise, sont fortement enracinées dans la société. À Bouira, plusieurs associations caritatives investissent le créneau dit "resto Rahma", afin de faire partager avec les nécessiteux et les automobilistes pris de court au moment de la rupture du jeûne un repas dans la convivialité. Au chef-lieu de wilaya, l'association Maabar El-Sabil a implanté sa "khaïma" à l'intérieur de la station de taxis, sise à la sortie ouest de Bouira. Les membres de l'association, tous des bénévoles, ne lésinent sur aucun effort pour permettre à tout citoyen, de passage, de rompre le jeûne dans de meilleures conditions. Lundi 22 mai, 5e jour du mois de Ramadhan, une trentaine de jeunes et moins jeunes étaient sur le pied de guerre pour entamer ce qui s'apparente à un rituel. Vers 17h, el-hadj Hamoudi Hamidi, président de cette association, ne savait plus où donner de la tête. Son téléphone portable n'arrêtait pas de sonner. Les commandes de fruits, légumes, viandes et boissons, passées la veille, viennent d'être acheminées. 700 couverts servis chaque soir "Grâce à Dieu et à nos généreux donateurs, nous allons tenir notre engagement, comme chaque soir depuis le début du mois de Ramadhan", dit-il d'un ton soulagé. Il est vrai que le défi est de taille : fournir un bol de chorba, une entrée et un plat de résistance à des dizaines de jeûneurs, durant tout un mois. Il est vrai qu'à voir cette fourmilière de bénévoles se donner corps et âme pour sustenter des inconnus, cette opération prend des allures de sacerdoce que chaque participant endosse telle une mission sacrée. 17h30, une commande pressante est en attente, celle des boissons. "Vous voulez voir l'envers du décor ? Venez !", nous invitera son assistant, Mourad, vêtu d'un gilet fluorescent. Il profitera d'un moment de répit pour nous embarquer dans sa voiture et raconter l'histoire de leur association. "Tout a commencé en 2014, lorsque nous avons décidé de venir en aide aux éléments de la police, qui organisaient de manière hebdomadaire des opérations resto Rahma, au même endroit. Grâce à nos efforts et aux dons d'âmes charitables, nous nous sommes constitués en groupe, et avec l'autorisation des pouvoirs publics, nous avons entamé notre travail et cela fait bientôt cinq ans que ça dure", a-t-il raconté. Nous arrivons devant une villa discrète située au centre-ville de Bouira, où la commande en question attendait d'être chargée. Des fardeaux de boissons gazeuses, d'eau minérale et de jus de fruits. "Il faut bien cela pour étancher la soif de 700 hôtes." C'est, selon notre interlocuteur, la moyenne quotidienne de plats servis dans le resto. "Oui, 700, et certains jours, comme le premier jour de Ramadhan, à cause du carambolage sur l'autoroute, nous avons enregistré plus de 1 000 passagers que nous avons pu gérer", a-t-il souligné.
22 millions de dépenses quotidiennes Une fois de retour au "camp de base", il était déjà 18h30. Pas une minute de répit pour el-hadj Hamoudi, car il lui faut encore superviser l'arrivage des marmites de chorba et des autres plats. À la question de savoir combien de donateurs sont impliqués dans cette opération, notre vis-à-vis précisera qu'il est en "partenariat" avec trois donateurs qui souhaitent garder l'anonymat. "Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il s'agit de deux entrepreneurs et d'un haut cadre de l'Etat", a-t-il indiqué. Et à combien s'élève la facture de cette opération ? Pour répondre à cette question, el-hadj Hamoudi passera la parole à Boularess Allal, qui occupe le poste de trésorier de l'association. "Entre les fruits et légumes, la viande, les boissons et autres gourmandises de circonstance, on dépasse les 22 millions de centimes par jour", a-t-il révélé. Et d'ajouter : "Depuis le début de Ramadhan, nous en sommes à plus de 130 millions de centimes." 19h30. Les premiers jeûneurs commencent à affluer. En quelques minutes, l'esplanade fut envahie par les voyageurs descendus de bus, de SDF et même d'étudiants. "Cette khaïma est un signe que la solidarité du Ramadhan a encore de beaux jours devant elle en Algérie. Même si tout n'est pas parfait dans notre pays, l'esprit du Ramadhan et ses valeurs sont encore là et c'est une formidable lueur d'espoir pour des lendemains meilleurs", confiera un citoyen avant d'entamer son bol de chorba. RAMDANE BOURAHLA