Cette dérégulation de la mercuriale est l'aveu frontal de l'échec de la politique gouvernementale suivie jusqu'à présent. à quelques jours de l'Aïd, la mercuriale des fruits et légumes s'emballe à Oran. Ce constat est devenu presque une mauvaise habitude. Les prix s'envolent à chaque approche d'une date fériée, fût-elle religieuse ou nationale. Et tous les prétextes rationnels et inimaginables sont convoqués pour expliquer, mais surtout justifier ces augmentations qui n'ont pas lieu d'être. Il suffit de faire un petit tour dans les marchés d'Oran pour comprendre cette logique haussière qui trouve son origine, selon les professionnels du secteur agroalimentaire, dans des considérations endogènes et exogènes au marché des fruits et légumes. Pour Tahar Boulanouar, président de l'Association des commerçants, cette courbe ascendante s'explique par le manque de main-d'œuvre en été, conjugué à l'augmentation de la demande et du manque de marchés de proximité. Pourtant, ce sont des excuses servies à toutes les sauces puisque le consommateur, première victime de cette chaîne défectueuse, ne comprend pas pourquoi le kilogramme de pommes de terre se vend encore à 90 DA (prix sur les marchés d'Oran, vendredi dernier). "Si le kilogramme de carottes est à 150 DA, alors où va-t-on ?", s'interroge Zhor, une mère de famille qui a préféré faire l'impasse sur beaucoup de légumes qu'elle achète habituellement. Pratiquement tous les produits ont augmenté en l'espace d'une semaine, voire de quelques jours, certains frôlant les 200% comme la laitue qui se vend à 80 DA, contre 30 DA, il y a à peine une semaine. Tomates, courgettes, poivrons, oignons ont tous enregistré des hausses considérables, mettant les ménages dans l'embarras. "À croire que nous ne sommes pas un pays musulman", résume Mehdi. Et cette frénésie des prix n'est pas tout, puisqu'il est de coutume que les premiers jours de l'Aïd, les marchés se vident de leur contenu. Cette dérégulation de la mercuriale est l'aveu frontal de l'échec de la politique gouvernementale suivie jusqu'à présent. En effet, l'épisode du Ramadhan n'est pas si éloigné que cela, poussant l'opinion publique à s'interroger sur l'utilité d'un ministre. Sous d'autres cieux, et alors qu'un aveu d'impuissance à mener une mission dévolue est constaté et rendu public, la bonne gouvernance aurait sommé le responsable à démissionner et à laisser sa place à plus compétent. Mais puisqu'en Algérie, les ministres ne démissionnent pas, on continue à faire semblant de tracer des plans, à programmer des actions, en renvoyant les échéances aux calendes grecques. Le ministre du Commerce avait promis, en revanche, qu'à la fin du mois de jeûne, son département s'attellerait à faire le diagnostic des carences enregistrées et que les Algériens devaient s'attendre à des décisions concrètes. Pourtant, ce n'est pas la première fois que le pays assiste aux pratiques scandaleuses d'un marché carnivore quadrillé par une faune de spéculateurs qui multiplient les prix par quatre, voire cinq, à chaque événement religieux ou national. Les pouvoirs publics pointent du doigt l'anarchie, mais oublient que c'est cette déliquescence de l'Etat qui a encouragé l'émergence d'un véritable empire parallèle d'une économie informelle qui réduit à néant toute tentative de réguler, un tant soit peu, le secteur. Même l'opération d'éradication des marchés informels a été un franc échec après avoir donné quelques résultats probants. Les commerçants au noir ont vite fait de réinvestir les rues et de squatter l'espace public, obligeant, à la fin, les marchands de fruits et légumes agréés à faire de même, puis à déserter leurs étals. Saïd OUSSAD