RESUME : Nawel n'a pas le choix. Elle met des somnifères dans la bouteille d'eau et de jus. Toute la famille en prend et ne tarde pas à s'endormir. La seule à résister un peu à l'effet du somnifère est Taklit. Elle la prie de ne pas faire de folie. Mais Nawel est plus que jamais décidée… Elle sait que des bus qui font les longs trajets passent souvent la nuit. Elle se rend donc aux arrêts où deux hommes attendent. Ils semblent surpris de la voir avec son landau et ses sacs de voyage. - Est-ce que le bus à destination d'Alger est parti ? demande-t-elle. - Non, on l'attend aussi. Le bus ne tarde pas. Moins d'une heure après, ils partent à destination d'Alger. Nawel est si heureuse de partir qu'elle en a des larmes aux yeux. Elle feint de ne pas voir les regards interrogateurs. Ce qu'ils peuvent penser ou se dire l'indiffère. Tout ce qui compte pour elle est d'arriver à Alger où sa famille ne pourra pas la trouver. La capitale est grande, il n'y a que là où elle pourra être tranquille. Le receveur, si frêle qu'elle le prend pour un adolescent, n'hésite pas à lui demander pourquoi elle voyage seule et si tard. - Je dois rejoindre mon mari. Il est à l'hôpital. À quelle heure avez-vous l'habitude d'arriver à Alger ? À sept heures, lui apprend-il. Bon voyage ! Nawel le remercie, et comme son bébé dort dans son landau, qu'elle a mis sur le siège près d'elle, elle décide de profiter du voyage pour se reposer, et dort un peu. Mais elle ne dort pas un peu. Quand elle se réveille, ils arrivent à Alger. Elle n'en revient pas d'avoir dormi si longtemps. Elle remarque que son bébé ne s'est pas réveillé une seule fois. D'habitude, au milieu de la nuit, il se réveille pour prendre son biberon. Elle se penche et vérifie qu'il dort bien. Quand elle lui caresse la joue et le nez, ses yeux s'ouvrent sur elle et lui arrache un sourire. Elle le prend dans ses bras, et sa joue contre la sienne, elle regarde par la vitre. Elle ne peut s'empêcher de lui murmurer : - Voilà la ville qui va t'adopter. Où tu vas grandir. On sera ici, loin des tyrans qui ont fait de notre vie un enfer. Nawel croit que, loin d'eux, la vie sera plus simple. Elle a beau ne pas avoir de toit, de travail, le fait d'avoir pris un nouveau départ la rassure. Elle n'a plus peur de rien. À ses yeux, le pire est derrière elle. Elle n'est pas partie à l'aventure. À la gare routière, elle prend un taxi et demande à être déposée dans un quartier où les hôtels affichent des prix raisonnables. - Dans un quartier populaire alors, dit-il. - Oui. Un quart d'heure plus tard, il la dépose devant un hôtel. Il l'aide à porter ses sacs de voyage à l'intérieur. Nawel prend le landau. Après avoir empoché son dû, il part, alors qu'elle saluait le réceptionniste de l'hôtel. - Je voudrais une chambre, lui dit-elle. - Pour la nuit ? - Non, je reste une semaine. - Bien. Ici, les clients règlent à l'avance, dit le réceptionniste. Avez-vous une pièce d'identité ? J'ai besoin de renseignements. Nawel la lui remet. Il la vérifie puis lui demande : - Votre mari va vous rejoindre ? - Hélas, non, il est pris par son travail, ment-elle. Je suis ici pour les soins de mon bébé. Le réceptionniste semble la croire. Il ne lui pose plus de questions. Nawel règle la location de la chambre. La clef enfin en mains, elle s'y rend. Elle est heureuse de constater qu'elle a une chambre avec une salle de bains. Elle pose ses affaires et le bébé sur le lit. Avant de déballer ses affaires, elle lui fait sa toilette puis se permet un moment de détente. Maghnia est loin. Il lui semble que sa vie d'avant l'est aussi. Elle se sent différente. Elle ne veut plus être comme avant, comme si c'était facile de se renier… (À suivre) A. K. [email protected]