Tragique retournement de situation pour cet homme qui avait validé le dossier de candidature d'Abdelaziz Bouteflika et qui, quelques semaines plus tard, se trouve contraint de constater son incapacité à assumer la fonction présidentielle. Une des figures ayant incarné le régime Bouteflika de ces vingt dernières années, Tayeb Belaïz, a démissionné, hier, de son poste de président du Conseil constitutionnel. Son départ a été revendiqué à cor et à cri par les milliers d'Algériens qui n'ont cessé de scander, ces dernières semaines, la révocation des "trois B", à savoir Belaïz, Bedoui et Bensalah. La démission de Tayeb Belaïz, deux semaines après la destitution d'Abdelaziz Bouteflika, dont il était un très proche collaborateur, est en soi une victoire, et non des moindres, pour le peuple, voire une force de gravité, qui pourrait entraîner la chute des deux autres "B" restants. Après le décès de Mourad Medelci, prédécesseur de Tayeb Belaïz à la tête du Conseil constitutionnel, ce dernier a aussitôt été propulsé au point culminant de la pyramide des institutions chargées de valider et de faire aboutir l'option du 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika. Le dernier impair en date commis par le désormais ex-président du Conseil constitutionnel consistait à valider le dossier de candidature d'Abdelaziz Bouteflika, plutôt que d'actionner le levier de l'article 102 de la Constitution. Valider le dossier d'un candidat incapable d'assumer la fonction présidentielle, déposé de surcroît par un tiers, est, en effet, une flagrante violation de la loi fondamentale. Même si les événements en ont décidé autrement et que le candidat à sa propre succession a fini par abdiquer sous la pression de la rue, Tayeb Belaïz part accablé par son ultime procédé anticonstitutionnel. Lors de sa désignation par Abdelaziz Bouteflika à la tête du Conseil constitutionnel, les images montrant Tayeb Belaïz s'incliner devant le candidat à sa propre succession ont laissé une nation sous le choc ; un parti pris flagrant en faveur du 5e mandat, alors que la fonction à laquelle il était appelé avait pour mission de veiller, entre autres, à la régularité des opérations de vote et à la validation, dans le strict respect de la loi, des dossiers de candidatures. Tayeb Belaïz s'était distingué, ensuite, par son silence sidérant face au premier appel de l'armée en faveur de l'application de l'article 102 de la Constitution, obligeant le Conseil constitutionnel à constater la vacance du pouvoir et l'incapacité d'Abdelaziz Bouteflika à gouverner. Tragique retournement de situation pour cet homme qui valide le dossier de candidature d'Abdelaziz Bouteflika et qui, quelques semaines plus tard, se trouve contraint de constater son incapacité à assumer la fonction présidentielle. Il était, jusqu'à hier matin, l'un des plus importants personnages chargés de conduire la transition et de préparer l'élection présidentielle du 4 juillet prochain. Il décide de tout arrêter et de démissionner sous la pression de la rue, qui ne jure que par son départ. Tout comme ceux de Noureddine Bedoui et d'Abdelkader Bensalah. Sa démission ouvre probablement la voie au départ de l'actuel chef d'Etat et de son Premier ministre issus des dernières mesures prises par Abdelaziz Bouteflika, alors président de la République. Le scénario probable tournerait autour de la démission, bientôt, de Noureddine Bedoui et d'Abdelkader Bensalah, à même de faire émerger de nouvelles têtes susceptibles d'apaiser la rue. Le vice-ministre de la Défense a indiqué, hier, que toutes les solutions sont désormais envisageables, afin de surpasser la crise ; une évolution notable dans le discours, après s'être confiné durant plusieurs jours dans le strict respect de l'article 102 de la Constitution.