LA TABLE Djamel attendait avec impatience l'adhan. Adossé à la balustrade du balcon, il ne cessait de regarder sa montre. Cela faisait plus d'une heure qu'il avait quitté son bureau. Après une dernière flânerie au marché, il a décidé finalement de rentrer chez lui attendre l'heure de la rupture du jeûne. Il était 18h30. Fatiha, sa jeune femme, s'affairait dans la cuisine où régnait une bonne odeur de chorba. -As-tu préparé le bourek ?, demande Djamel. -Oui, avec beaucoup de viande hachée, d'ail et de persil, comme tu l'aimes. -Et la galette ? Et le hors-d'œuvre ? Et le mesfouf ? Djamel était un homme gourmand. Durant le Ramadhan, son appétit devenait plus aiguisé, et il ne vivait que dans l'attente de l'heure de la rupture, tout en passant son temps entre le bureau et le marché, puis entre le salon et la cuisine. Dès son retour à la maison vers 17h30, l'homme rôdait autour des marmites et en humait les odeurs qui en émanaient. Bien entendu, il ne cessait d'embêter sa femme qui, malgré sa nature bien patiente, finissait toujours par le chasser de sa cuisine. Ce jour-là, Djamel semblait plus nerveux que d'habitude. Il souffrait d'un manque de caféine et de tabac, et son humeur était massacrante. Adossé à la balustrade de son balcon, il ne cessait de compter les minutes et les secondes qui le séparaient de l'heure de se mettre à table. La table ? Djamel revint sur ses pas et scruta la salle à manger. Rien. La table n'était pas encore dressée. Il courut vers la cuisine et trouva sa femme en train de préparer une h'rira. Elle remuait le contenu de la marmite en rajoutant de temps à autre un peu d'eau. À la vue de son mari, elle sourit. -Qu'y a-t-il, Djamel ? Tu fais une de ces têtes ! -La table. Il reste à peine 30 minutes pour l'adhan. Pourquoi n'as-tu donc pas commencé à dresser la table ? Qu'attends-tu ? -Calme-toi. Calme-toi, mon vieux, je termine dans une minute la cuisson de cette h'rira et je m'occuperai de la table. Cela me prendra à peine deux minutes. -Deux minutes ! Mais tu n'y penses pas ! J'ai faim, moi ! Je veux que ma chorba ne soit ni froide ni chaude. Tu ferais mieux de te dépêcher, je ne veux pas attendre. (À SUIVRE) Y. H. [email protected] Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus.