Ramadhan est sacré. Si toutefois tout le monde s'accorde à dire que Ramadhan est un mois de paix, de pardon et de grande piété, il n'en demeure pas moins que la conduite de certains jeûneurs durant ce mois laisse à désirer : paresse, baisse de productivité, nervosité, disputes dans les milieux urbains, injures et bagarres dans les marchés et autres places publiques…En effet, pendant les heures de jeûne du Ramadhan, les bagarres sont légion dans les rues de Bordj Bou-Arréridj. Ce phénomène est connu à Bordj Bou-Arréridj sous le nom de "m'ramden" : C'est quelqu'un d'enragé, énervé et incontrôlable. Certaines personnes nous font comprendre qu'il ne faut pas trop les approcher en ces jours de Ramadhan car elles "mordent". "Attention, jeûneur méchant !". "Je suis m'ramden" (en manque de cigarette, de café, de sommeil...), "Barre-toi de mon chemin" ou "N'remden 3lik" (je te tabasse), et d'autres mots tout aussi violents sont fréquents sur les rues, les centres commerciaux ou encore les souks à travers Bordj Bou-Arréridj. Même les administrations et les mosquées sont touchées par ce phénomène. C'est un mélange de grossièretés et d'incivilités avec une touche de mauvaise humeur et de nervosité qui provoque ces altercations. Des bagarres sanglantes ont eu lieu dès le premier jour de Ramadhan dans plusieurs quartiers et villes de la wilaya, dont les héros sont des m'ramdinines, des gens supportant mal le jeûne. Parmi les symptômes de "t'ramdena", les migraines, les troubles de la vision, l'envie folle de fumer, de boire et de se bagarrer. "Attention, des m'ramdnines , vous pouvez en croiser partout, dans les administrations, les hôpitaux, les banques, ou dans un bus. Ne vous avisez surtout pas de les vexer car cela peut s'avérer dangereux", dira cheikh Farid Amara, imam d'une mosquée de Bordj Bou-Arréridj que ses interventions de réconciliation durant tout le mois de Ramadhan augmentent, surtout après le f'tor. Les m'ramdnines, pour la plupart des gens ordinaires, se retrouvent après la rupture du jeûne dans les cafés et les mosquées souriants, regrettant leurs gestes incontrôlés en un mois censé être celui de la prière, du recueillement et de la piété. Aussi les victimes de la t'ramdena regrettent souvent rapidement leurs actes. Ainsi, vous pourrez facilement les retrouver quelques minutes après la bagarre en train de s'embrasser et de se fendre en excuses et d'implorer le pardon de Dieu pour leurs dérives ramadanesques. Pour Mokhtar, Ramadhan rime avec altercation. De nature calme et pondérée, notre enseignant qui se dit "conscient de son défaut", devient exécrable quand il jeûne. "Je me bats avec tout le monde pour rien, je vais même jusqu'à provoquer les gens... Je suis comme un drogué", affirme-t-il, d'un air désolé. "Mais le soir quand je mange, je reprends mes esprits et là je prends conscience de mon comportement et je le regrette", explique-t-il non sans "aller ensuite demander des excuses" quand cela est possible. Durant ce mois sacré, des femmes subissent des violences de la part de leurs conjoints pour un simple bruit, une odeur qui s'échappe de la cuisine, un cri d'enfant, une coupure d'électricité, un mot mal interprété, la quantité et le choix des plats à cuisiner et même pour des sujets du Ramadhan passé. Il faut noter aussi, que pour ce mois de Ramadhan 2019, durant les journées du Hirak (mardi pour les étudiants et vendredi pour tous les citoyens) les bagarres et les incivilités s'arrêtent et laissent place à la solidarité, l'entraide et la courtoisie. Chabane BOUARISSA